Certains théoriciens ont pu décrire la science-fiction américaine (écrite) comme reposant sur la réduplication d’un schéma narratif unique, déguisée par les variations de surface de la fable (Riche et Eizykman, 1976 : 12-20), et ont cru voir dans la bande dessinée américaine de science-fiction l’acmé d’un tel phénomène de recyclage, du fait que l’image narrative amplifie les possibilités de variation anecdotique, mais implique en retour une rigidification du schéma narratif (id. : 20-22).
Une vision moins idéologique et mieux informée de l’anticipation américaine en bande dessinée conduit à des conclusions à peu près inverses. Trois observations liminaires s’imposent à cet égard. La première sera fort brève, elle porte sur les rapports privilégiés que les littératures dessinées entretiennent avec les littératures de l’imaginaire. La seconde et la troisième amèneront à davantage de développement car elles sont relatives, respectivement, au parallélisme historique entre les science-fictions écrite et dessinée et à la spécificité de la bande dessinée dans la conception des récits. Il faut soigneusement séparer ces deux aspects de la question, sous peine de retomber dans l’erreur consistant à voir dans la science-fiction dessinée un démarquage simplifié de la littérature écrite, et de surcroît anachronique, ou du moins accusant un retard chronologique, par rapport à cette littérature écrite.