"s’il vous-plaît... dessine-moi un mouton" : Le Petit Prince a fumetti
Mémoire
par
Aurora - Fragonara
Sous la direction de Galazzi, Enrica
2009-2010- Universita Catolicca del Sacro Cuore- Scienze Linguistiche e Letterature Straniere
Milan- Italie
Au sein de la bande dessinée la parole est-elle un simple corollaire de l’image ou contribue-t-elle sensiblement à la construction du sens ?
C’est à partir de cette question que la réflexion sur Le Petit Prince adapté par Joann Sfar se développe dans ce mémoire.
mots-clés : adaptation littéraire ; Petit Prince ; transécriture ; sémiologie ; Sfar, Joann ; Saint-Exupéry, Antoine de
Le travail de recherche est divisé en deux parties: la première identifie les outils théoriques et méthodologiques requis pour l'analyse sémiolinguistique de la bande dessinée en question. La deuxième se focalise sur le corpus analysé, c'est-à-dire le chef d'œuvre de Saint-Exupéry et l'adaptation de Sfar, et examine ensuite le rôle communicatif de la parole dans le système-bande dessinée. La première partie jette les bases théorico-méthodologiques nécessaires à l'analyse: la notion de texte, celle d'adaptation et, enfin, la structure de la bande dessinée. La constatation d'une multiplication des codes communicatifs permet d'abord de définir le texte en tant qu'objet pluricodique, ensuite la réflexion se focalise sur les conditions de textualité afin de décrire le texte en terme de cohésion, progression linéaire, structuration réticulaire et configurationnelle d'après la catégorisation proposée par Jean-Michel Adam. Étant donné que le travail a pour objet une adaptation, une fois défini l'objet-texte, la question de la migration du sens d'un texte à l'autre s'impose. Une réponse méthodologiquement satisfaisante est donnée par le concept de transécriture développé par André Gaudreault et Philippe Marion qui porte sur une interaction et détermination réciproque de contenu et de forme. Le repérage des outils méthodologiques se termine avec l'analyse de la bande dessinée en tant que medium. Les notions, identifiées par Thierry Groensteen, de cadre, hypercadre, multicadre ainsi que celles de lecture linéaire et réticulaire sont abordées à la fin de cette première partie. La deuxième partie est divisée en deux sous-parties: la première éclaire les caractéristiques et la structure du corpus (l'ouvrage de Saint-Exupéry et la version en bande dessinée de Sfar); la seconde porte sur l'analyse linguistique du système verbal de la bande dessinée. Le premier chapitre analyse d'abord la structure iconotextuelle, chronotopique et actantielle du Petit Prince de Saint-Exupéry. Ensuite cette structure est comparée avec celle de la bande dessinée-adaptation. Le deuxième chapitre explore le rôle du système verbal au sein de la bande dessinée. Ce rôle peut être identifié dans « l'expression de l'invisible ». Le concept d'« invisible » interpelle 5 différents niveaux du rapport entre la parole et l'image: l'invisible est celui des sens différents de la vue, celui du monde intérieur et psychologique des personnages, celui des analogies entre les éléments de la narration (par exemple celle entre les cheveux du Petit Prince et la couleur du blé ainsi que celle entre les grelots, ou bien les fontaines, et les étoiles), celui de la représentation temporelle en terme de durée d'un mouvement ou de prévision de l'avenir, et enfin celui du récit des épisodes qui ne sont pas représentés au niveau de l'image. Dans tous les cinq cas illustrés ci-dessus, ce qui est classé comme invisible ne peut pas être montré à travers les images: cette portion du sens pas communiquée de manière iconographique a par conséquent recours au code verbal. La parole recouvre ainsi de différentes fonctions au sein de la bande dessinée et par rapport à l'image: elle commente, explique, décrit, nomme, intègre le sens de l'image. Compte tenu de l'importance structurelle de la parole, la configuration communicationnelle de la bande dessinée de Sfar s'apparente à la théorie de la lecture « en modalité idéogramme » proposée par Bernard Toussaint, selon laquelle l'image et la parole coopèrent afin de réaliser une narration: leur union a pour résultat un sens nouveau, « autre » par rapport à celui de la parole ou de l'image en elles-mêmes. D'après Toussaint dans la bande-dessinée la parole vivifie l'image statique en créant les personnages et le scénario: l'image devient ainsi lisible et narrative.