walter, un coloriste caméléon
[décembre 2022]
En janvier 2022, j’ai été invitée en tant que coloriste aux rencontres organisées par l’AdaBD à Angoulême. Le thème de cette intervention portait sur l’interprétation en couleurs d’une planche en noir et blanc. Le public a découvert avec surprise : premièrement, que la mise en couleurs pouvait être un métier à part entière et deuxièmement, que cinq coloristes, partant de la même page dessinée et des mêmes instructions transmises par la dessinatrice, produisaient cinq mises en couleurs radicalement différentes. La dessinatrice était elle-même impressionnée par la variété des propositions colorées. Cette initiative originale a mis en lumière le caractère artistique du métier de coloriste et son influence décisive sur l’album final, celui qui arrive sous les yeux du lecteur.
Au printemps suivant, je suis approchée par Irène Le Roy Ladurie et Sylvain Lesage. Ils me proposent d’écrire un article pour la revue Neuvième Art, d’après un entretien que j’aurai mené avec le ou la coloriste de mon choix, quelqu’un dont le travail a compté pour moi. La revue a décidé de monter un dossier sur la couleur dans la bande dessinée et par la force des choses, sur les coloristes. On aura remarqué que la littérature à leur sujet abonde peu.
Faire interviewer un coloriste par un autre coloriste ? Pourrais-je apporter quelque chose de particulier, une interprétation singulière, à travers cet exercice ? Quels seront mes biais d’analyse ? J’imagine que je ne peux retranscrire les propos de mon interlocuteur qu’à la lumière de ma propre expérience. Malgré mes doutes, je finis par sauter le pas.
Walter. Mon choix s’est porté sur lui sans hésitation. Quand Irène et Sylvain me proposent la rédaction de cet article, immédiatement, les pages en couleurs d’albums comme Isaac le pirate, Les Olives noires ou Le réducteur de vitesse me reviennent en mémoire. Isaac le pirate, avec ses lumières qui semblent sourdre du papier, ses jaunes si éclatants qu’on les dirait fluorescents. À l’époque, j’avais éprouvé un saisissement à l’ouverture de cet album et devant certaines planches, j’avais pensé « voilà, tout est là ». Je m’étais alors empressée de regarder le nom du coloriste en page de titre : « Walter & Yuka ». Et dans La nuit de l’inca4 ? Walter. Et dans Donjon ? Walter. Et dans Petit vampire ? Encore lui !
Ma première rencontre avec Walter et Yuka a eu lieu en décembre 2003 dans le quartier de Kichijoji en périphérie de la mégalopole tokyoïte. Je débutais le métier de coloriste et Walter était pour moi une véritable star. J’avais osé le contacter par je ne sais plus quel intermédiaire, et il avait amicalement accepté qu’on se rencontre là-bas. Yuka, sa femme, était également présente. J’étais impressionnée et je me souviens peu de notre conversation à propos des couleurs mais le petit restaurant de cuisine d’Okinawa choisi par Yuka était fabuleux !
Je l’appelle donc dans la foulée pour mon article et nous voilà à discuter « boutique » via Messenger. J’avais préparé quelques questions mais bien sûr, nous nous sommes éparpillés dans tous les sens. Je vais malgré tout essayer d’ordonner l’ensemble de notre échange pour restituer un semblant de cohésion et vous raconter ce qui m’a marquée chez Walter, un des premiers maîtres de la couleur numérique.
L’attrait de la nouveauté
Comme nombre d’entre nous, Walter s’intéresse à la bande dessinée depuis l’enfance. Jeune, il lit beaucoup de comics et grandit avec Métal Hurlant. Par la suite, il étudie le dessin à l’Académie Charpentier puisqu’il voudrait devenir dessinateur de bande dessinée mais dans les années 80, il se souvient que « les écoles d’art n’acceptaient pas cette idée de bande dessinée ». Finalement, en 1989, il ouvre une librairie spécialisée en comics. Il conserve donc une grande proximité avec la bande dessinée surtout qu’il prête son appartement dans le 5e arrondissement au duo Stan et Vince qui l’utilisent comme atelier aux débuts des années 90.
De fil en aiguille, il commence à expérimenter la mise en couleurs par ordinateur :
Séduit par ce nouvel outil encore en développement qui élargit le champ des possibilités de la mise en couleurs tout en l’affranchissant d’un certain nombre de contraintes que connaît la mise en couleurs traditionnelle sur bleus, il se lance dans le métier. Il travaille alors régulièrement pour L’Écho des Savanes, côtoie des dessinateurs comme Sfar, Blain, Boilet, … puis parallèlement aux pages qu’il réalise dans la presse spécialisée, il commence ses premières mises en couleurs d’album : Donjon, Vortex, Le réducteur de vitesse, Petit vampire, Hiram Lowatt & Placido.
Intuition protéiforme
« Répondre à la demande avant tout » est son leitmotiv. Souple et caméléon. Pour ce faire, à chaque début d’album, Walter cherche à comprendre. Il s’interroge sur le dessinateur et son trait. « Pourquoi dessine-t-il comme il le fait ? » car pour lui, « le dessin est une indication sur la personne, une auto-référence » qu’il considère et décortique afin de proposer sa réponse colorée la plus adéquate. À partir du dessin, le coloriste se raconte sa propre fiction dont il tire des intuitions. « J’y vais au feeling » me dit-il.
À partir des 3 ou 4 premières pages mises en couleurs que Walter propose, le dialogue et les échanges qui s’instaurent avec le dessinateur (et le scénariste le cas échéant) sont primordiaux « pour trouver un terrain commun » et lui permettre d’évaluer le « degré de contrôle dont a besoin le dessinateur ». Intervenir sur le travail terminé et abouti de quelqu’un d’autre pour le transformer exige en effet de gagner la confiance de cet autre. La coopération ainsi établie doit en outre s’accommoder des ego des différents protagonistes et le coloriste jongle en permanence avec ce fameux « degré de contrôle » afin qu’il puisse aller dans le sens du dessinateur ou de la dessinatrice tout en restant force de proposition.
Et pour Walter, afin que la compréhension se fasse pleinement, il est nécessaire de passer outre ses propres préférences : « les aplats, c’est comme un spotlight sur le dessin, il faut mettre de côté ses goûts, ne pas juger le dessin ». Cet atout lui vient de son premier métier de libraire dans lequel « il faut apprendre à proposer aussi des livres qui n’entrent pas forcément dans vos préférences mais qui ne sont pas pour autant sans qualité. » Distinguer son goût personnel de l’esthétique d’un dessin lui permet de se frotter à tout type de graphisme et de récit et au bout du compte, de « rester curieux et de ne pas rester fixer sur ses acquis ».
Dans une toute autre optique, la contrainte financière a pu également le mettre dans cette position : « je me suis placé dans des situations où je devais faire des choses qui sortaient de ma zone de confort et au final, j’ai progressé. »
En définitive, pour Walter, la contrainte agit comme un facteur positif, qui l’oblige à mettre en place de nouvelles solutions, à dépasser ses limites. Les albums dont il est le plus satisfait sont ceux dont il a le plus appris : il raconte à ce propos comment la mise en couleurs du tome 3 du Bibendum céleste dessiné par Nicolas de Crécy lui a permis de « casser un blocage » : « Les planches du tome 1 avaient été réalisées à la peinture par de Crécy, une vraie galère pour le dessinateur. Avec de Crécy, on a élaboré une technique de mise en couleurs pour coller à la technique manuelle. J’ai fait des scans de textures, de dégradés, de lavis du dessinateur. » Il tâtonne, essaie différents pinceaux numériques, échantillonne, règle… sans certitude du résultat. L’album est une réussite. À ce moment-là, Walter, qui « cherche la reconnaissance des auteurs plus que celle du public », réalise qu’il se considère désormais comme un professionnel de la couleur : « je sais que je suis capable de faire quelque chose ».
Les auteurs sont aussi des lecteurs
Walter travaille avec l’aide de Yuka, sa femme. De culture différente (elle est japonaise), elle pose les bases des couleurs selon son propre regard puis Walter les conserve ou non selon son propre regard. Ils travaillent en « ping-pong » afin de caler les ambiances. Après ce premier passage, il commence le travail par strate : personnages, décors… Il réalise l’album quasiment en entier puis ne cesse de revenir en arrière pour rebâtir les ambiances, les modifier ou les ajuster. Travailler à grande échelle est essentiel dans son approche car pour Walter, « la compréhension du dessin se fait vers le milieu de l’album », il lui est donc nécessaire de le pratiquer abondamment avant d’y imprimer sa vision.
Cette appréciation globale de l’album, Walter l’applique également à ses collaborateurs : après la période d’échanges et de dialogues, pendant longtemps, ceux-ci ne vont rien recevoir quand soudain, il leur envoie l’intégralité des planches mises en couleurs. « Si j’envoie page par page : les auteurs n’ont pas de vision globale, ils regardent les pages comme une illustration. Pour qu’ils se comportent comme des lecteurs de bande dessinée, il faut tout envoyer d’un coup. » Car après tout, le but de la bande dessinée est bien d’être lue et moins d’être contemplée à la manière d’un tableau. Lorsqu’ils endossent le rôle de lecteur, les dessinateurs sont plus à même d’avoir une vue d’ensemble et d’apprécier le parti pris du coloriste vis-à-vis du récit. En comparaison, l’envoi des couleurs planche à planche conduit à se focaliser sur des détails de chaque vignette et entraîne des demandes de modifications qui n’ont bien souvent aucun impact sur le ressenti des lecteurs de l’ouvrage édité au final et peuvent être source de tensions au sein de l’équipe.
Ne pas sortir de l’histoire
Lorsque je lui demande ce que la couleur apporte à l’album de bande dessinée, il répond d’emblée « des ambiances et des émotions, elle participe et aide à l’histoire, elle augmente l’effet de narration du noir et blanc ». Cet apport narratif est une réponse récurrente chez les coloristes. Comment s’en étonner puisque le récit et la narration font partie des fondements de la bande dessinée. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Le rôle de la couleur et du coloriste a évolué ces 40 dernières années. « Dans les années 80, la couleur sert à faire vendre, c’est plus du coloriage qui sert surtout à ambiancer. Dans les années 90, on est face à une production mainstream : on parle de patte « Delcourt », de style « Soleil »…, […] cela conduit à une certaine standardisation. Aujourd’hui la génération après 2000 vient beaucoup de l’animation, c’est une autre façon de travailler […], ils n’ont pas ou peu de culture bande dessinée mais plus cinéma et animation, Concept Art aussi ». Et si le numérique a bouleversé les méthodes de travail (les progrès techniques offrent une palette très souple d’outils riches et variés), il a aussi transformé la culture de la couleur. « La nouvelle génération a accès à internet et ça change tout : ils ont accès à de nombreuses images très variées. Ils ont intégré que la couleur fait partie de la narration ».
Ce rôle de facilitatrice dévolue à la mise en couleurs est au cœur de son travail et de sa vision : « Je ne raconte rien de plus que ce qui est raconté dans l’histoire, il ne faut pas aller à l’encontre, ne pas coller quelque chose pour faire un effet ». Pour lui, « le coloriste n’est pas là pour démontrer un concept de couleurs » ou ses capacités techniques, « il ne doit pas plaquer par dessus » car il risquerait de compromettre le récit en déplaçant l’intérêt du lecteur, en brouillant les pistes, en rendant l’histoire illisible. D’où l’utilisation des aplats. Très à l’aise avec leur manipulation, les aplats lui permettent d’obtenir une grande lisibilité des formes et des plans. Ainsi, il découpe dans la planche des zones et met en avant celles qui sont nécessaires à la compréhension du récit : « Je pense en lumières et contrastes plus qu’en teintes, je crée des points de focalisation grâce à la lumière ». Cette affirmation m’interpelle. Les coloris ne seraient pas au centre des préoccupations du coloriste ? Bien sûr, lumière et couleur sont intimement liées (ce qui apparaît encore plus vrai dans la mise en couleur sur écran qu’avec la mise en couleur sur papier), mais selon les coloristes, il semble que l’on soit face à différentes approches de l’emploi des couleurs : l’approche par le clair-obscur qui privilégie le travail des ombres et des lumières et restreint parfois la palette à de simples camaïeux ; celle par les couleurs en soi qui repose sur l’usage des coloris et de leurs interactions entre eux ; celle par le chaud-froid ou encore celle par les complémentaires qui se fondent sur des oppositions visuelles fortes dont on peut tirer partie pour accentuer la narration. Ces deux dernières approches renvoient à l’étude des contrastes colorés proposés par Johannes Itten dans son ouvrage L’art de la couleur et les relations colorées expérimentées par Josef Albers dans Interaction of Color.
Tout comme le dessin révèle son auteur, la couleur révèle le coloriste. Selon ses choix et son rapport à la couleur, le coloriste nous donne à voir un récit filtré par son interprétation personnelle et, par-là même, il influence les sensations éprouvées par le lecteur de l’album : sensations visuelles, mais aussi olfactives, tactiles, gustatives et auditives comme le démontrent clairement Vincent Baudoux et Roland Jadinon à propos du travail des couleurs de Lorenzo Mattotti dans leur article « La couleur comme mode narratif ». Je réalise finalement que plus que les teintes de verts et de jaunes, c’est bien la lumière qui se dégage des choix d’accords colorés faits par Walter qui m’avaient happée à l’ouverture d’un Isaac le pirate, d’un Réducteur de vitesse ou d’un Messire Guillaume. Le but déclaré de Walter, et parfaitement atteint dans ces séries, est de « garder la personne à l’intérieur de l’album pour qu’elle aille au bout, qu’elle accroche » par les couleurs.
Le paradoxe de l’ombre
Chez Walter, seul le travail des ombres fait l’objet d’une validation en amont de la mise en couleurs de l’album par le dessinateur. Le coloriste les réalise sur les pages en noir et blanc pour se focaliser uniquement sur celles-ci. Car le dessin d’ombres est une étape formellement impactante sur la perception du dessin par l’observateur : « Ombrer, c’est redessiner, c’est risquer de parasiter le dessin, risquer de se tromper d’interprétation. » me dit-il. Lorsqu’il m’énonce cette assertion au détour de notre entretien, elle me frappe. Alors que je l’ai expérimenté de nombreuses fois dans mon travail, je n’avais jamais verbalisé ce risque de métamorphose. Pour moi, le travail des ombres avait toujours relevé de la couleur et du coloriste de façon manifeste. Le point de vue de Walter s’impose pourtant à moi : « Ombrer, c’est redessiner. » Même lorsque les ombres sont colorées, elles sculptent les formes et atténuent la prédominance du trait. Voilà que dessin et couleur s’intriquent totalement alors même que le procédé de fabrication d’un album basé sur un couple dessinateur/coloriste les désunit absolument. Un paradoxe qui brouille la place traditionnellement assignée à la couleur par rapport au dessin. On remarque d’ailleurs, que selon les albums, le dessin des ombres relève du dessinateur ou du coloriste. L’ombre oscille en permanence dans cet entre-deux, dans cette zone grise entre dessin et couleur que certains dessinateurs et coloristes hésitent à franchir dans un sens ou dans l’autre.
Cette incursion de la couleur hors de ses frontières, dans un espace habituellement réservé au trait peut être source d’inquiétude pour le dessinateur. Il voit ainsi son graphisme s’éloigner de la perception qu’il en avait au départ. Dans le domaine des ombres, le coloriste se retrouve à nouveau confronté au « degré de contrôle ». Il en va de même pour ce qu’on pourrait nommer les « effets spéciaux » tels que les reflets, les brillances, les transparences, les textures… Toutes ces petites choses qui sont souvent représentées et signifiées par la couleur.
le style « walter » ?
Lorsque je lui pose la question du style, il sourit puis marque une pause pour réfléchir. Pour lui, il n’existe pas de « style Walter » car la couleur ne doit pas « perturber le dessin » mais « rester au second plan ». Il ne peut donc pas « imposer » un style particulier à chaque album. Comme de surcroît, il estime se caler « en fonction de l’auteur » et faire « ce qu’il (l’auteur) aimerait voir », sa pratique de la couleur lui semble plutôt adaptative, elle se coule dans et au service du dessin, ce qui paraît incompatible avec un style récurrent qui serait appliqué systématiquement.
Pourtant, pour moi, il y a bien un style « Walter », un style qui a fait que je suis spontanément allée vers lui pour cette interview. La « patte » de Walter représente un renouveau de l’emploi de la couleur en bande dessinée au tournant des années 2000, après que la fascination pour l’outil numérique et ses effets « Photoshop » aient été digérés et dépassés. Derrière un apparent retour à la simplicité, qui n’est pas sans évoquer des planches colorées par le Studio Leonardo sur des séries comme Lucky Luke, ses aplats bruts et parfaits étaient basés sur des choix d’accords et un emploi innovant de la couleur en bande dessinée. En tant que coloriste, Walter révélait son rapport à une couleur sensible plutôt que descriptive dont la lisibilité et l’efficacité apportaient force et énergie au dessin comme au récit et allaient de pair avec un usage assumé de l’ordinateur en tant qu’outil artistique. Son style générait une évidence esthétique entre dessin et couleur. Un style qui s’est diffusé par la suite dans des collections comme Poisson pilote chez Dargaud ou Expresso chez Dupuis.
La révélation de l’invisible
Rétrospectivement, je me dis que c’est bien cette innovation, cette rupture qui m’a attirée à l’époque quand je découvrais Les Olives noires. Tout d’abord, la couleur de Walter était en décalage par rapport à ce qui précédait – les années 90 ayant produit des pages en couleurs très sophistiquées et picturales. Ensuite, elle représentait la nouveauté technique en assumant son origine numérique. Enfin, elle ouvrait une nouvelle voie dans laquelle le caractère synthétique de la mise en couleurs privilégiait la lisibilité (plans, temporalité, actions…) et l’expressivité sensorielle des coloris au détriment d’une représentation plus « naturelle » et réaliste.
Aujourd’hui, libérés des contraintes imposées par la mise en couleurs traditionnelle (complexité de la mise en œuvre, longs délais d’exécution et courts délais de rendu, frein à l’expérimentation …), après des années à dépeindre, à rester dans leurs zones de confort par manque de temps et de considération, les coloristes peuvent enfin prendre des risques et peindre. Peindre les émotions, les sensations, le temps, l’espace, les relations entre les personnages à travers leur point de vue. Ils ont la possibilité d’échanger avec dessinateurs, scénaristes et éditeurs afin de proposer et de contre-proposer malgré une position encore jugée entre le marteau et l’enclume par nombre d’entre eux. Le conflit du dessin et du coloris déjà en vigueur à la Renaissance, n’est pas encore totalement éteint, particulièrement lorsque le processus de fabrication est segmenté comme en bande dessinée (la situation inconfortable des coloristes avait déjà été mise en lumière dans l’article de Sylvain Bouyer, « Coloriage, picturalité et gros sous »)
Pourtant, si elle est utilisée de manière inventive et pertinente, loin de dissoudre le trait, la couleur en renforce au contraire la sensibilité. Tour à tour narrative, symbolique, naturelle ou expressive, la couleur réunit le récit et le dessin. Pour paraphraser Jacqueline Lichtenstein, la couleur « ne se contente pas de faire voir le visible, elle rend visible l’invisible », elle révèle la part intangible de l’histoire et en cela, elle renferme un grand pouvoir qui tend de plus en plus à être exploité.
Grâce à des auteurs comme Walter, peu à peu, le coloriste glisse de l’éxécutant, rôle auquel cette profession a longtemps été cantonnée, à l’artiste dont les couleurs sont regardées pour elles-mêmes. La couleur des coloristes devient dès lors pleinement actrice de la bande dessinée.
Liste des ouvrages dans l’ordre de citation
- Blain Christophe, Isaac le pirate, Paris, Dargaud, « Poisson pilote », 2001-2005
- Sfar Joann, Guibert Emmanuel, Les Olives noires, Dupuis, « Repérages », 2001-2003
- Blain Christophe, Le réducteur de vitesse, Dupuis, « Aire libre », 1999
- Vehlmann Fabien, Duchazeau Frantz, La nuit de l’inca, Paris, Dargaud, « Poisson pilote », 2003-2006
- Sfar Joann, Trondheim Lewis, Donjon. Le Roi de la bagarre, T. 2, Paris, Delcourt, « Humour de rire », 1998
- Sfar Joann, Trondheim Lewis, Donjon. La Princesse des barbares, T. 3, Paris, Delcourt, « Humour de rire », 2000
- Sfar Joann, Trondheim Lewis, Bézian Frédéric, Donjon Monsters. Des soldats d’honneur, T. 10, Paris, Delcourt, « Humour de rire », 2006
- Sfar Joann, Petit vampire, Paris, Delcourt, « Delcourt jeunesse », 1999-2005
- Vince, Stan, Vortex. Tess Wood & Campbell 6, T. 6, Paris, Delcourt, « Neopolis », 1999
- Vince, Stan, Vortex. Tess Wood & Campbell 7, T. 7, Paris, Delcourt, « Neopolis », 1999
- Vince, Stan, Vortex. Tess Wood & Campbell 8, T. 8, Paris, Delcourt, « Neopolis », 2000
- Blain, Christophe, David B., Hiram Lowatt & Placido, Paris, Dargaud, « Poisson Pilote », 1997-2000
- De Bonneval Gwen, Bonhomme Matthieu, Messire Guillaume, Dupuis, « Repérages », 2006-2009
- De Crécy Nicolas, Le Bibendum céleste T. 3, Les Humanoïdes Associés, 2002
- Métal Hurlant, Les Humanoïdes Associés, 1975-1987 ; 2002-2006 ; 2021-....
- Itten Johannes, L’art de la couleur, Dessain et Tolra, 1985
- Albers Josef, Interaction of Color. Revised and Expanded Edition, Singapour, Yale University Press, 2006.
- Baudoux Vincent, Jadinon Roland, « La couleur comme mode narratif », in Revue Neuvième Art 2.0, Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, Angoulême, octobre 2003
- Bouyer, Sylvain, « Coloriage,picturalité et gros sous » in Les Cahiers de la bande dessinée n°60, Bruxelles, Glénat, novembre-décembre 1984
- Lichtenstein Jacqueline, La couleur éloquente. Rhétorique et peinture à l’âge classique, Paris, Flammarion, Champs, 1999.