texte et récit dans l’adaptation cinématographique de La Femme piège et de La Foire aux Immortels d’Enki Bilal
Mémoire
par
Nadège - Roche
Sous la direction de Degenève, Jonathan
Master 12009-2010- Université Paris 3- Littérature & linguistique françaises et latines
Paris- France
La fidélité semble être un critère majeur dans l’évaluation d’une adaptation d’une bande dessinée au cinéma. Cependant, l’adaptation est vouée à l’échec si on la pense comme la mise en mouvement des vignettes originales qui suivrait mot à mot et case par case le texte de bande dessinée. Nous tenterons donc de redéfinir la notion même de fidélité et de voir quels sont les gages de réussite d’une bonne adaptation.
mots-clés : adaptation cinématographique ; Enki, Bilal
Le mémoire traite du phénomène d’adaptation en postulant que la fidélité passe essentiellement par le respect de « l’esprit » et de la signification globale de l’œuvre originale. Cette conception de la fidélité correspond à l’idée que l’adaptation est finalement ce qu’Enki Bilal appelle une déconstruction pour une reconstruction. Ainsi, des changements peuvent et doivent être effectués dans la trame narrative tant qu’ils tendent à produire une œuvre cohérente et qu’ils n’affectent ni le sens global ni l’ambiance dégagée par le média d’origine. En effet, nous avons étudiés la mise en place du récit en bande dessinée et au cinéma. Les conclusions de cette étude nous ont alors conduit à nous interroger sur les problèmes du passage d’un récit porté par la bd à un récit filmique. En effet, il ne suffit pas de combler les ellipses pour obtenir l’adaptation des bandes dessinées au cinéma. Effectivement, si le fonctionnement du récit pris dans son déroulement linéaire est le même dans les deux médias, la dynamique narrative ne s’établit pas pareil. Nous avons alors différencié deux axes de fonctionnement du récit : l’un syntagmatique, l’autre paradigmatique. Du point de vue paradigmatique, les fonctionnements des deux médias diffèrent puisqu’ils s’appuient sur les caractéristiques propres à chacun d’eux. En effet, le récit au cinéma repose sur une évolution beaucoup plus linéaire qu’en bande dessinée où la composition de la page, le cadre variable et le rapport texte-image créent des dynamiques internes qui font progresser le récit. Les deux médias sont par ailleurs de natures différentes, ce qui implique des procédés de lecture distincts et par conséquent des stratégies narratives différentes. L’ensemble de ces différences conduit à déconstruire le récit dessiné pour en créer un nouveau, viable, dans le média d’arrivée. A partir des éléments des bandes dessinées, il a donc fallu reconstruire un ensemble cohérent d’un point de vue narratif et d’un point de vue générique. Des modifications ont dues être faites et ce notamment en ce qui concerne le point de vue. Nous avons tenté de déterminer comment se mettait en place le problème de la focalisation en bande dessinée et comment il était possible d’apporter des informations similaires dans le film alors que la notion de point de vue se mettait en place différemment dans les deux médias. Tout d’abord, tout comme au cinéma, la focalisation en bande dessinée ne peut pas être traitée comme une focalisation strictement littéraire. En effet, au cinéma, plus qu’une connaissance du monde, le point de vue apporte une perception visuelle et auditive. Ainsi, nous constatons qu’une transposition littérale d’un média à l’autre est difficile. L’adaptation nécessite une déconstruction pour une reconstruction d’un nouvel ensemble cohérent. Dès lors, la question de la fidélité est envisagée autrement et l’adaptation se révèle être une lecture de l’œuvre originale mise en forme pour un autre média. En effet, la vision d’un texte littéraire dépend des connaissances préalables et de la sensibilité de chacun : un même texte n’est pas obligatoirement perçu de façon similaire par tous. Lire et donc adapter implique une nouvelle création à partir des indications de l’auteur. En effet, le texte est « un tissu d’espaces blancs » destinés à être comblés par le lecteur.