Les guerres d’Emmanuel
[janvier 2003]
Dans la production d’Emmanuel Guibert, deux créations ont pour toile de fond la Seconde Guerre mondiale : Brune, prépublié dans L’Écho des Savanes à partir de 1991, et La Guerre d’Alan, dont les premières planches paraissent dans Lapin dès 1997. Entre une fiction traitant de l’ascension d’Hitler et la relation des souvenirs d’Alan Ingram Cope, ancien soldat américain et ami de l’auteur, les similitudes se révèlent, pourtant, bien peu nombreuses.
Dans la production de Guibert, Brune fait, rétrospectivement, l’effet d’un corps étranger. Le graphisme photoréaliste, la théâtralité des dialogues, jusqu’à la nature même du récit n’ont qu’un rapport très lointain avec ses créations postérieures. Cette opposition de style est telle que ceux qui ont lu son premier album puis découvert le Guibert « nouvelle manière » dans les pages de Lapin ou lors de la sortie de La Fille du professeur n’ont vraisemblablement pas remarqué d’emblée qu’il s’agissait bien là du même dessinateur. Il est, par ailleurs, symptomatique que cette première réalisation ne figure jamais dans la liste des autres ouvrages de l’auteur qui conclut ses albums suivants. Aux yeux du dessinateur, ce livre, fruit de six ans de travail, est presque considéré comme un objet de repentir, dont il n’hésite pas à qualifier la conception d’absurde et d’épuisante [1].
Si le dessin de Jean Giraud peut-être qualifié d’ultra-réalisme baroque [2], alors, celui de Guibert période Brune fait dans l’ultra-réalisme pompier. Dans ce domaine, son seul concurrent valable demeure Beb Deum qui, à la même époque, figure également au sommaire de L’Écho des Savanes. Enfin, il est révélateur que Guibert doive son entrée dans cette revue aux recommandations d’un autre virtuose de la couleur directe, l’Italien Tanino Liberatore.
Réalisées avec des encres de couleur, les cases de Brune témoignent d’une précision quasi maniaque. Le métal, le cuir, la pierre, le bois, la chair..., chaque matière est restituée avec une texture qui lui est propre. D’autre part, le dessinateur montre toute l’étendue de sa connaissance de l’anatomie humaine : pas un muscle, pas une ride, pas une veine ne semble échapper à son pinceau. Cette minutie du détail et le soin extrême accordé au rendu des matériaux inscrivent cette bande dessinée dans la tradition de la « Grande Peinture », celle qui s’immortalise sur la toile plutôt que sur la feuille de papier. En parcourant les pages de Brune, on pense, notamment, à Van Eyck, Caravage ou encore Vermeer, dont la Jeune Fille à la perle orne d’ailleurs le salon d’un des personnages, le résistant Julius [3]. Les allusions à la peinture sont, du reste, assez nombreuses. Sur les rayonnages de la bibliothèque du même Julius, on trouve un ouvrage consacré à Dürer, alors que le réseau clandestin qu’il souhaite mettre sur pied doit s’appeler le Cavalier bleu, référence univoque au mouvement artistique créé par Vassily Kandinsky. Quant à Werner, l’un des deux principaux héros, il possède la série complète de Der Sturm, l’organe des peintres expressionnistes du groupe "Die Brücke". Enfin, lorsque Gustav Hinkefurss − qui, dans le récit, personnifie le diable − découvre une photographie de Nina, la compagne de Werner, il a cette réflexion révélatrice : « Ce minois ! Le genre de femme qu’on dirait faite au pinceau ! » [4] Ce commentaire peut très bien renvoyer aux caractéristiques purement formelles de l’image et même s’appliquer à toutes celles qui composent l’album. Par cette sentence, la nature fondamentalement picturale de cette bande dessinée est, à nouveau, réaffirmée.
C’est peu dire que l’approche graphique prévalant à la réalisation des deux albums qui, à l’heure actuelle, constituent La Guerre d’Alan, se situe aux antipodes de la sophistication de Brune. Le fourmillement des détails et la méticulosité de la représentation des décors ont fait place ici à un dépouillement parfois extrême. La sobriété est également de mise en matière d’angles de vue. Le regard du lecteur se pose à peu près toujours à hauteur d’homme. À cet égard aussi, le changement est radical par rapport à Brune, où le dessinateur ne craignait pas les perspectives à triple point de fuite, les plongées, les contre-plongées et autres effets de zoom. Dans cet album inaugural, la « caméra » change de position pratiquement à chaque image, elle vient se placer au niveau des pieds des personnages quand elle n’est pas perchée très haut, plusieurs mètres au-dessus de leur tête. En regard, la mise en page − que, selon la nomenclature établie par Benoît Peeters, on qualifiera de rhétoriques [5] −, apparaît presque sobre, d’autant que la réalisation de cette bande dessinée a débuté à la fin des années quatre-vingt, époque où les incrustations de cases et autres effets tape-à-l’œil sont encore relativement courants.
Dans La Guerre d’Alan, l’agencement des vignettes est beaucoup plus simple encore. Un bon quart des cent quatre vingt pages actuellement publiées épouse le dispositif que Franquin désignait sous le terme de « gaufrier », soit une planche constituée de cases carrées de taille rigoureusement identique. Cette sagesse dans la mise en page n’empêche pas Guibert de faire preuve d’imagination et de recourir à des effets visuels parfois étonnants. C’est le cas de cette scène se déroulant dans les latrines, où les tuyaux d’évacuation sont figurés par deux lignes verticales traversant la case de part en part. Celles-ci rappellent inévitablement les « blancs » séparant les différentes vignettes d’un même strip. [6]
Une autre planche montre Alan Cope tenant son casque et un paquet de linge [7]. Il est sur le point de quitter le grenier qui lui sert de dortoir via une baie donnant sur l’extérieur. À la page suivante, il fait une terrible chute de plusieurs mètres qui aurait très bien pu lui être fatale, quelqu’un ayant retiré l’échelle qu’il utilisait en temps normal. L’image qui précède l’incident est fragmentée en deux vignettes carrées situées l’une au-dessus de l’autre. A priori, celles-ci n’auraient pu en faire qu’une seule, d’autant qu’elles semblent bien appartenir à la même séquence temporelle. La « gouttière » qui divise en deux cette image interrompt le texte reprenant le monologue d’Alan et coupe le personnage au niveau de la cheville.
En fait, le procédé prend tout son sens lorsqu’on isole la case du dessous. Il ne subsiste alors que la phrase : « Quelqu’un avait enlevé l’échelle » et le pied d’Alan ; les trois quarts inférieurs de l’image sont demeurés blancs. Ceci a pour effet de rendre perceptible pour le lecteur le vide vertigineux et l’absence de l’échelle à l’origine de l’incident. D’autre part, la division du sujet en deux cases superposées guide naturellement l’œil du lecteur du haut vers le bas, mouvement qui, en quelque sorte, anticipe celui de la chute.
Les fragmentations en plusieurs cases d’un même motif sont déjà présentes en nombre dans Brune [8]. Cependant, leur caractère par trop ostensible a essentiellement pour effet de renforcer l’esthétisme un peu vain qui caractérise cette bande dessinée. Dans ce premier album, on ressent très clairement l’envie d’expérimenter les différentes potentialités de découpage et de la mise en page. De nombreux dispositifs tels que la fragmentation de l’image ou encore l’usage de cases pleines pages sont déjà bien présents. Mais ils sont souvent encore mal maîtrisés et assez oiseux. Ce qui n’est plus du tout le cas dans La Guerre d’Alan, où leur efficacité semble d’autant plus forte qu’ils sont utilisés avec discrétion.
L’opposition radicale entre les deux œuvres, observée sur le plan graphique, se confirme dès lors que l’on s’intéresse aux éléments écrits. Dans Brune, à nouveau, l’emphase est de rigueur. Les dialogues se distinguent par leur caractère particulièrement artificiel : ainsi « Tu as pensé à moi pour t’accompagner brassard dessus, bras dessous ! », ou « À suivre les grandes gueules, on finit toujours soldat ou veuve de soldat. Je ne couve pas pour le Reich, le parti, le Führer, je donne la vie. » [9] Néanmoins, Guibert semble totalement assumer ce côté théâtral, comme le confirment certains propos tenus par les protagonistes : « Acte trois, scène trois », « Rideau », « Ici, on joue une comédie... », « Mais j ai des prétentions sur cette pièce, vois-tu ? J’aimerais choisir en toute conscience le moment où le rideau tombera ! [10] » Les expressions des visages souvent convulsifs participent de cette même logique ; il est bien connu qu’en théâtre, il est nécessaire que les acteurs en fassent un peu trop. Certes, le caractère ampoulé qui, à tous points de vue, affecte cette bande dessinée, peut paraître bien laborieux − Guibert lui-même ne craint pas d’affirmer qu’il s’agit d’« une parabole faustienne à la mords-moi-le-nœud, avec un diable de pacotille qui fait signer un contrat à Hitler [11] ».
Reconnaissons, toutefois, qu’il est en adéquation parfaite avec l’argument de cette bande dessinée.
S’il faut encore se convaincre de l’antinomie entre Brune et La Guerre d’Alan, il convient de s’arrêter sur leur dédicace respective. La première salue la mémoire de la Rose blanche, un groupe de jeunes opposants exécutés par les nazis, alors que, plus sobrement, Guibert dédie la seconde à ses parents. Ceci montre bien que l’on passe de l’Histoire à la sphère de l’intime. Ceux qui espéraient trouver dans La Guerre d’Alan une fresque historique n’ont pu qu’être déçus. Seule la fin du deuxième volume, qui évoque la libération de Pilsen et de Prague, évoque des faits que l’on pourrait véritablement qualifier d’historiques. Il n’y a pas non plus de batailles rangées. À un seul moment, Cope et ses compagnons aperçoivent une patrouille allemande [12]. Plutôt que de provoquer l’affrontement, ils préfèrent la laisser passer. En revanche, Guibert n’hésite pas à s’attarder sur des éléments presque dérisoires tels que le nettoyage des armes ou la description d’une ration alimentaire.
L’objectif de l’auteur est sans doute moins de relater des événements que de donner une épaisseur humaine à ses personnages et singulièrement à son narrateur, Alan Cope. Ses faits et gestes quotidiens viennent nourrir sa personnalité bien mieux que ne pourraient le faire des actes héroïques. Les bulles dans cette bande dessinée sont assez peu nombreuses ; l’essentiel des textes est fourni par les monologues d’Alan. Ceux-ci sont, en règle générale, d’une simplicité désarmante qui trahit leur origine orale. Plutôt que de les réécrire sous une forme plus littéraire, Guibert a préféré retranscrire telles quelles les paroles de son ami. Ceci a pour effet de laisser sourde la personnalité de Cope.
De nouveau, le propos développé par l’auteur est parfaitement soutenu par les moyens mis en œuvre tant sur plan de la narration que du graphisme. La technique utilisée, de l’encre diluée avec de l’eau, donne au dessin un aspect brumeux parfaitement adapté à une histoire basée sur des souvenirs. Par ailleurs, on passe régulièrement d’images presque hyperréalistes à d’autres nettement plus sobres. Un tiers environ des cases sont dépourvues de tout arrière-plan, le motif ou les personnages se détachant sur un fond uniformément blanc. Cette économie de moyens prévaut aussi dans le traitement de la figure humaine. Si certains visages sont parfois représentés de manière très détaillée, dans la majorité des cas ils se réduisent à quelques traits confinant à l’épure. Parfois même ces figures sont entièrement vides, dénuées de toute physionomie. L’hétérogénéité du matériel pictural convient à merveille pour restituer la mécanique de la mémoire. Certains souvenirs refont surface de manière extrêmement précise alors que des visages et des décors entiers demeurent dans le flou.
Si l’on veut bien, un instant, s’accommoder d’un raisonnement quelque peu sommaire, considérons qu’il y a, dans le domaine de la B.D., deux types de créateurs. D’une part, les « virtuoses », ceux dont on dit qu’ils sont « naturellement doués » pour le dessin, dont le travail témoigne d’une approche instinctive, ceux dont le regard paraît embrasser la réalité dans sa globalité, et d’autre part ceux dont la démarche graphique résulte davantage d’une analyse du réel, ceux qui, après des débuts parfois laborieux, se sont forgé un lexique pictographique [13] qui assimile leur dessin à une forme d’écriture. Guibert appartient visiblement à la première catégorie, au même titre que, par exemple, Caniff, Hogarth, Franquin, Giraud, Boucq ou de Crécy. Hergé, Peyo, Trondheim, Hart, Jason ou encore Parrondo se rattachent, quant à eux, à la seconde. On retrouve ici la dichotomie, déjà mise en évidence par Thierry Smolderen, entre l’hologramme et le pictogramme [14]. Les auteurs qui pratiquent l’art difficile de la couleur directe s’inscrivent généralement dans la catégorie des « virtuoses », leur création « tend à devenir un objet de contemplation, elle sollicite une deuxième vision, un regard analogue à celui que nous sommes accoutumés à braquer sur les tableaux. » [15]
Si les réussites dans ce domaine ne manquent pas, il arrive cependant que cette surenchère picturale dissimule mal la vacuité du propos, l’ouvrage se révélant in fine parfaitement illisible. Sans nécessairement porter un jugement de valeur sur leurs talents respectifs, il est frappant de constater que parmi les dessinateurs qui, entre la fin des années soixante-dix et le début des années quatre-vingt-dix, se sont distingués par leur usage de la couleur directe, nombreux sont ceux qui ont aujourd’hui considérablement ralenti leur production quand ils n’ont pas totalement déserté le domaine de la bande dessinée, souvent, d’ailleurs, pour se consacrer en priorité à la peinture ou à l’illustration : Jean-Michel Nicollet, Didier Eberoni, Tanino Liberatore, Bill Sienkiewicz, George Pratt, Philippe Bertrand, Stéfan Thanneur... S’il n’y a certainement pas d’explication univoque à ces désaffections, il est toutefois permis de penser que, chez la plupart d’entre eux, comme ce fut le cas pour Paul Cuvelier, le désir de peindre était supérieur à celui de raconter une histoire. L’image de bande dessinée, irrémédiablement « soumise à l’autorité du récit », devenant trop étroite − au sens propre comme au sens figuré − pour rencontrer pleinement les aspirations profondes de l’artiste.
Plus rares, en revanche, sont ceux pour qui l’envie de raconter était demeurée suffisamment forte pour les pousser à brider ce qui, a priori, semblait constituer leur pente naturelle, et à renoncer à la séduction souvent gratuite de l’image virtuose − le dessin redevenant alors, en premier lieu, le matériau à partir duquel ils élaborent leur récit. Tel est pourtant bien le cas de Dave McKean et, bien entendu, d’Emmanuel Guibert. Tous deux ont réussi à sortir de l’impasse artistique où les avait entraînés la débauche d’effets ostentatoires qui caractérisaient leurs premières réalisations, le pompiérisme des débuts laissant place à une sobriété inattendue.
Je l’ai déjà évoqué plus haut, La Guerre d’Alan se caractérise par l’utilisation de registres graphiques très différents. Dans d’innombrables cases, le sujet est constitué de traits élémentaires. Ni véritablement réaliste, ni caricatural, le dessin de Guibert atteint une forme de cérébralité que n’aurait pas renié Hergé. On est beaucoup plus proche ici du pictogramme que de l’hologramme. D’autres passages, en revanche, ont droit à un traitement beaucoup plus fouillé. Ponctuellement la figure humaine se fait plus réaliste, des zones d’ombre et de lumière apparaissent. À la fin du premier volume, on peut voir Alan dans un exercice de tir : il s’agit de toucher un char à l’aide d’une grenade dépourvue d’explosif [16]. L’épisode peut apparaître, somme toute, assez anodin − il ne s’agit que d’un entraînement − et nul doute qu’un dessinateur médiocre serait incapable de lui donner le moindre relief. Or, à ce stade de l’album, le lecteur a déjà pu se familiariser avec le tempérament jusqu’au-boutiste d’Alan et comprend que, pour lui, réussir ce tir n’est rien moins qu’une question d’honneur.
La troisième vignette montre en gros plan le visage d’Alan Cope, une fraction de seconde avant qu’il ne fasse feu (cf. page 66). Son casque dessine une ombre au niveau des yeux, dont jaillit pourtant un regard d’une intensité extraordinaire. Ce dessin, à lui seul, suffit à donner à cette scène une véritable tension, une charge émotive hors du commun. Le regard d’Alan possède d’autant plus de force que le reste de son visage, comme les autres personnes qui peuplent cette planche, est réalisé au trait. Abstraction faite de l’arrière-plan, tout ce qui figure sur cette page est traité comme un dessin, seuls les yeux de Cope relèvent de la peinture. Thierry Groensteen a bien montré que, dans les bandes dessinées utilisant la couleur directe et, par extension, dans celles qui relèvent d’une esthétique picturale, « l’image est productrice ou conductrice d’émotion. [17] » On mesure bien là le chemin parcouru par Emmanuel Guibert, capable désormais de canaliser cette émotion. Refusant la séduction facile qui prévalait à ses débuts, il réserve aujourd’hui l’usage de sa maestria à des instants privilégiés qui, riches de sens, acquièrent dès lors un statut remarquable au sein du récit.
Il est, par ailleurs, un domaine où Guibert opte invariablement pour une approche picturale : la représentation des paysages. Ils ont un aspect vaporeux, chargé d’atmosphères fugaces, au point que l’on pourrait presque les qualifier d’impressionnistes. Mais ils possèdent également quelque chose d’orientalisant ; on pense tout particulièrement à la peinture chinoise de la période dite des Cinq Dynasties (907-960), époque durant laquelle s’épanouit l’art du paysage réalisé à l’encre. La technique de ces peintres était tout à fait analogue à celle utilisée dans La Guerre d’Alan : un petit peu d’encre étalée sur une surface humide. Les œuvres étaient souvent réalisées sur des rouleaux horizontaux que l’on déroulait au fur et à mesure, induisant un mode de lecture, somme toute, assez proche de la bande dessinée. Ces artistes étaient également des calligraphes pour qui la littérature et la peinture constituaient un seul et même art, cette dernière étant, en somme, assimilée à une forme d’écriture. Enfin, peindre relevait, au même titre que la méditation, du domaine spirituel, les lieux représentés étant souvent considérés comme sacrés. Or il y a bien derrière les paysages figurés dans La Guerre d’Alan, une vibration qui relève presque du transcendantal. L’émerveillement d’Alan Cope devant les paysages qu’il découvre s’apparente presque à une forme de panthéisme : « Tout était ’quaint’ pour l’Américain que j’étais. Je découvrais les petits villages européens, on n’a pas des villages comme ça chez nous [...] Tout était charmant et ça nie fascinait vous comprenez ? [18] »
Dans ses Notes sur ce que j’ai vu et entendu en peinture, l’historien Guo Ruoxu (1023-1085) évoque les artistes de la Chine antique. Appliqués à Emmanuel Guibert, ses mots résonnent, plus de neuf cents ans après leur rédaction, d’une étonnante justesse : « [Ils] ont empli leurs peintures de leur élévation d’esprit et de l’élégance de leurs sentiments. (... ] Dans les hauteurs les plus élevées du spirituel, [leurs œuvres peuvent] rivaliser avec la quintessence. [19] »
Erwin Dejasse
Cet article est paru dans le numéro 8 de 9ème Art en janvier 2003.
[1] « Guibert, le dessin comme mémoire », in La Nouvelle Bande dessinée (entretiens avec Hugues Dayez), Niffle, 2002, p. 136.
[2] Thierry Groensteen, « Giraud - Moebius l’étoile double », in Trait de génie, CNBDI, 2000, p, 3.
[3] Emmanuel Guibert, Brune, Albin Michel, 1992, p. 41.
[4] Idem, p. 39.
[5] Benoît Peeters, Case, planche, récit. Lire la bande dessinée, Casterman, 1998, p. 48 à 53.
[6] La Guerre d’Alan 1, L’Association, 2000, p. 32.
[7] La Guerre d’Alan 2, L’Association, 2002, p. 15.
[8] Pages 10, 15, 24 et 37.
[9] Pages 14 et 41.
[10] Pages 23, 25 et 28.
[11] La Nouvelle Bande dessinée, op. cit., p. 135.
[12] La Guerre d’Alan 2, p. 52.
[13] J’emprunte le concept de « lexique pictographique » à l’article de Thierry Smolderen, « Bande dessinée, feuilleton et cerveau droit », Les Cahiers de la bande dessinée No.70, Glénat, 1986.
[14] Idem.
[15] Thierry Groensteen, « Couleur directe : la séduction picturale », in Couleur directe, Kunst der Comics, 1993, p. 52.
[16] La Guerre d’Alan 1, p. 74.
[17] Couleur directe, op. cit, p. 7 à 52.
[18] La Guerre d’Alan 2, p. 21.
[19] Cité dans Yolaine Escande, L’Art en Chine, Paris, Hermann, 2001, p. 71.