les aventures de nhô-quim et zé caipora et la patrimonialisation de la bande dessinée au brésil
La publication en 2002 par la maison d’édition du Sénat fédéral brésilien de As Aventuras de Nhô Quim e Zé Caipora marque l’aboutissement de plusieurs décennies de valorisation de la bande dessinée au Brésil. Elle représente également un véritable tournant dans la prise en compte de la valeur patrimoniale de la bande dessinée.
En 2002, la maison d’édition du Sénat fédéral brésilien finança un ouvrage de la plus grande importance pour l’univers de la bédéphilie, pour les études sur la bande dessinée et pour sa patrimonialisation. Il s’agissait d’un grand volume relié qui réunissait deux bandes dessinées du XIXe siècle : As Aventuras de Nhô Quim e Zé Caipora (Image 1), portant ici le sous-titre commun : « les premières bandes dessinées brésiliennes 1869-1883 [1] ». L’étude, l’organisation et l’introduction sont d’Athos Eichler Cardoso, collectionneur passionné de bandes dessinées. L’importance de cette réédition repose, selon son concepteur, sur le caractère pionnier de leur auteur, le dessinateur de presse italien Angelo Agostini. Dans une course à l’originalité, Athos Cardoso souhaitait placer les récits de Nhô-Quim et de Zé Caipora parmi les premières bandes dessinées mondiales, dans l’esprit d’une concurrence vis-à-vis de la bande dessinée new yorkaise Yellow Kid (1895-1898), un temps considérée comme la « première » bande dessinée du monde. Comme le Yellow Kid, le succès médiatique de Zé Caipora a fait du personnage d’Agostini une référence incontournable de la scène culturelle brésilienne. La réédition de 2002, réalisée avec le soutien de l’État brésilien, est le signe d’une patrimonialisation tardive de la bande dessinée brésilienne et le fruit d’un long processus, plein de contradictions. Loin de la vague de rééditions de bandes dessinées née en Europe dans les années 1970, ce volume survient dans un moment de valorisation de la bande dessinée.
Une distinction vis-à-vis de la caricature, malgré un médium commun
Dans les années 1950 au Brésil, deux mouvements intellectuels distincts se déploient simultanément. D’une part, le chercheur Herman Lima poursuit en Europe ses études sur la caricature européenne et brésilienne [2] ; ces recherches aboutissent à la publication en quatre volumes de son História da caricatura no Brasil en 1963 à Rio de Janeiro [3]. Ce livre, qui entend retracer l’histoire de la caricature brésilienne depuis ses débuts dans les années 1810, est devenu un grand classique en la matière et est encore amplement utilisé par les historiens qui s’intéressent à la caricature. Parallèlement, en 1951, en suivant la tendance internationale, la première Exposition internationale de Bandes dessinées (Exposição Internacional de Histórias em Quadrinhos) a lieu au Centre Culture et Progrès (Centro Cultura e Progresso) de São Paulo, où sont exposés les travaux de dessinateurs de différentes nationalités, dans un contexte où la bande dessinée est amplement dévalorisée au Brésil. Le professeur Alvaro de Moya a qualifié le tournant représenté par cet événement de « réinvention de la bande dessinée [4] ».
Ces deux événements – la parution d’un livre et l’organisation d’une exposition sont tous les deux le signe de la légitimation d’une forme d’art, surtout si nous admettons la définition de patrimonialisation proposée par Emilie Droeven : « la patrimonialisation d’un bien est issue de la reconnaissance institutionnelle de la valeur que la société lui attribue et de la volonté conjointe de transmettre ce bien aux générations futures [5] ». Dans ce contexte, la conservation, l’exposition, la valorisation, la documentation sont le signe d’un nouveau dessein de patrimonialisation de la bande dessinée mais aussi de la caricature brésilienne. Mais pourquoi parler de caricature et de bande dessinée ? Le choix de séparer ces formes d’expression artistiques en deux champs très dissociés relève aussi d’un choix patrimonial. Bien qu’elles aient une trajectoire conjointe depuis le XIXe siècle, y compris dans la personne d’Angelo Agostini, célèbre caricaturiste, et continuent à se côtoyer au XXe siècle (malgré un éloignement progressif), la valorisation et l’étude de la bande dessinée et de la caricature se développent de façon presque totalement autonome. Livres, expositions et autres, s’emploient tout au long du XXe siècle à formaliser la dissociation entre ces deux formes artistiques. Parmi les qualités justifiant le choix de Nhô-Quim et Zé Caipora pour la réédition, Athos Cardoso cite le fait que les dessins soient réalistes et non des « caricatures » et que l’intrigue du Zé Caipora soit une « aventure dramatique », loin des histoires « humoristiques ou satiriques [6] ». Ainsi, l’éloignement de la caricature, de laquelle la bande dessinée était indissociable dans un premier temps, est érigé en preuve d’une forme de maturité esthétique et formelle (Image 2).
Une légitimation auprès du grand public
La Première Exposition internationale de Bandes dessinées de 1951, qui est amplement couverte par la presse locale et nationale, a pour objectif, selon le prospectus, d’éclairer le public et la critique autour de « la valeur artistique et sociale atteinte par ce nouvel art » (Image 3). Elle est ainsi à la fois marquée par un désir de massification de l’accès à la bande dessinée, en l’ouvrant gratuitement à toute personne intéressée, et par une réflexion artistique menée par ses organisateurs, qui étaient journalistes, dessinateurs, écrivains, éditeurs. Un tel besoin d’affirmer la valeur artistique des bandes dessinées se justifie pleinement à la consultation de la presse conservatrice de l’époque. Le journal Tribuna da Imprensa, dirigé par le très célèbre journaliste et homme politique Carlos Lacerda, mène ainsi une véritable croisade contre les romans sériels pour le lectorat enfantin. Selon le périodique, ces œuvres promeuvent la perversion sexuelle à travers ce que l’auteur désigne sous l’expression de sex appeal – l’efficacité publicitaire du corps féminin dénudé [7]. Cinq numéros plus tard, un lecteur remercie le journal pour le travail accompli pour « l’extermination complète » des bandes dessinées, qui représentent un grand mal pour les enfants. Le travail du journal s’accomplit, encore selon le lecteur, notamment par l’exposition des noms des « trafiquants de ce mal social [8] ». On retrouve donc la même atmosphère de panique morale qu’en France ou aux États-Unis, où les écrits du Dr Wertham légitiment l’inquiétude sociale autour des effets de la lecture des comics.
En valorisant ou en dénigrant les bandes dessinées, expositions et journaux participent à l’existence de cet art dans la sphère publique. Vingt ans plus tard, cette visibilité est acquise et le processus prend de nouvelles proportions : l’École Panaméricaine d’Arts (Escola Panamericana de Artes), la Mairie de São Paulo et le Musée d’Art de São Paulo (MASP) organisent le Ier Congrès international de bandes dessinées (I Congresso Internancional de Histórias em Quadrinhos). En plus des expositions, comme en 1951, le congrès de 1970 propose, dans ce haut lieu de l’art, des conférences de dessinateurs et la vente d’un catalogue. À l’occasion, le journal O Globo, qui a contribué à importer la bande dessinée américaine au Brésil, va même jusqu’à décrire ce médium comme « un nouveau chemin pour l’art [9] ». Selon ce même article, des thématiques comme la liberté sexuelle des femmes, l’american way of life ou encore la pertinence artistique de la bande dessinée sont traitées pendant le congrès. Ce congrès aborde ainsi non seulement des questions sociales, mais interroge également la pratique artistique des dessinateurs. S’ajoutent à ces enjeux une réflexion d’ordre cognitif et moral sur l’apprentissage des enfants face aux récits illustrés. Cet événement élucide de façon très claire la construction du champ de la bande dessinée. Auteurs, éditeurs, médias, institutions artistiques ont travaillé main dans la main pour la légitimation de la bande dessinée et sa conséquente patrimonialisation.
Ce mouvement de valorisation s’est poursuivi dans la deuxième moitié du XXe siècle et a abouti à différents types de diffusions, parmi lesquelles des expositions, qui brassent un public plus ou moins large, intéressé par des aspects différents et issu de catégories socio-professionnelles différentes. En 2019, le musée de l’Image et du son (Museu da Imagem e do Som) a organisé l’exposition interactive Quadrinhos à São Paulo qui reproduit des espaces fictifs des bandes dessinées et offre une expérience immersive. En 2011, Alvaro da Moya, organisateur de l’exposition de 1951, a organisé une nouvelle exposition qui raconte de son côté l’histoire de la bande dessinée : História das Histórias em quadrinhos. De taille modeste (neuf grandes planches), elle retrace l’expansion commerciale du format, sa relation avec le contexte historique et les choix esthétiques de chaque artiste. Sa particularité réside néanmoins dans l’endroit où elle se déroule : le Service national d’apprentissage commercial (SENAC) de Barretos, dans l’état de São Paulo. Cette unité d’enseignement professionnel située dans une ville de l’intérieur de l’État a une fréquentation différente de celle des grands musées historiques ou artistiques ayant abrité d’autres expositions du genre dans les grandes métropoles du pays (MIS, MHN), attestant de la diffusion à échelle nationale de l’intérêt pour la bande dessinée et sa compréhension.
Main dans la main avec le monde universitaire
L’initiative de réédition des deux bandes dessinées d’Agostini par Athos Cardoso atteste que la bande dessinée a conquis un public de plus en plus vaste ces dernières décennies et a bénéficié d’une valorisation grandissante, dont les étapes intègrent son processus de patrimonialisation. Athos Eichler Cardoso n’a pas mené une carrière de chercheur, mais ses recherches et éditions ont contribué de façon incontestable à un aspect important de la patrimonialisation de la bande dessinée : son étude, son analyse. En 1970, le journal Globo publie un article sur le congrès sur la bande dessinée où il avance que « pour Álvaro de Moya, théoricien brésilien de bandes dessinées, l’une des grandes caractéristiques de l’actuelle génération d’intellectuels, parents et professeurs c’est la reconnaissance positive des comics comme une forme de culture [10] ». En effet, c’est dans les années 1970 que la bande dessinée est élevée au rang d’objet de recherches et d’études au Brésil. En 1970, l’Université de Brasilia (UnB) crée son premier séminaire de licence sur les bandes dessinées et est ensuite suivie par d’autres institutions. La porosité entre le milieu académique et la pratique est flagrant dans la personne justement de Moya, qui a fondé, avec Luiz Cagnin et Waldomiro Vergueiro, le Centre de Recherche en bande dessinée (Núcleo de Pesquisa em Histórias em Quadrinhos) au sein de cette même université.
En 1977, l’Université de São Paulo lance le magazine Quadreca, associé à des séminaires de recherche sur le sujet [11]. Les premiers numéros de cette revue traitent du premier Congrès de bandes dessinées à Avaré en 1974, d’une ancienne librairie spécialisée en bandes dessinées, de l’usage de ce médium à des fins didactiques, de sa relation aux romans et de l’identification de l’enfant lecteur aux personnages. Cette première production universitaire s’empare ainsi de toutes les questions qui avaient habité les débats publics sur la bande dessinée les décennies précédentes, mais cette fois appuyées sur des savoirs académiques. En 2014, on recensait 337 travaux de recherche dans 41 institutions à travers le pays [12]. Une croissance qui se montre particulièrement importante dans les années 1990 et 2000, pendant lesquelles les facultés de Lettres cumulent le plus de travaux. D’autres institutions ont suivi l’USP dans cette tendance et ont intégré des départements ou des groupes d’études sur la bande dessinée, comme l’Université fédérale du Ceará (EFC).
Une telle émergence de recherches scientifiques a été accompagnée d’un enrichissement des fonds d’archives et de rééditions historiques. Le volume de Athos Eichler Cardoso As aventuras de Nhô-Quim & Zé Caipora : os primeiros quadrinhos brasileiros 1869-1883 est emblématique de ce mouvement. D’autres rééditions de bandes dessinées ont vu le jour au début des années 2000, certaines à caractère purement commercial, d’autres, comme celle de Flash Gordon [13], à caractère patrimonial. L’édition de luxe, une adaptation de la collection américaine par la Titan Books, présente une préface d’Alex Ross, auteur renommé de la Marvel Comics et DC Comics, qui atteste d’une quête de qualité et de réflexion au sujet de l’album (Image 4). Ce genre de produit diverge, par exemple, de publications plus simples, moins analytiques, avec couverture souple, telles les nombreuses rééditions des bandes dessinées de Disney au Brésil [14] .
As Aventuras de Zé Caipora, de 1883, avait déjà fait l’objet de plusieurs éditions ; outre la publication originale en format feuilleton entre 1883 et 1886, la Revista Illustrada, périodique où l’histoire paraissait, imprime une première réédition. Deux ans plus tard, en 1888, la Revista annonce que l’histoire est disponible en fascicules composés de six chapitres qui complèteraient un album (Image 5). La troisième édition paraît en 1901 dans la revue Don Quixote, où l’auteur redessine certaines planches. La quatrième édition est produite pendant que de nouveaux chapitres étaient encore en cours. Cette forme de légitimation immédiate d’Angelo Agostini a participé à sa postérieure reconnaissance comme « père de la bande dessinée brésilienne », dans une constante quête du mythe d’origine. Cela fait consensus dans la bibliographie que le premier magazine de brande dessinée brésilien était le Tico-Tico, qui rassemblait des personnages étrangers (Mickey, Popeye) et des personnages originaux (Zé Macaco). Néanmoins, les historiens s’accordent à dire que, avant la parution de Tico-Tico, les influences européennes et les expérimentations de la presse ont permis la création de la bande dessinée dans les pages périodiques [15].
Athos Cardoso avait pour objectif de remédier à l’absence des deux héros créés par Angelo Agostini dans le panthéon des héros mondiaux de la bande dessinée. Selon lui, la qualité et l’innovation de ces récits leur donnent le mérite nécessaire pour figurer parmi les plus acclamés. Cette patrimonialisation s’appuie sur une quête d’antériorité vis-à-vis des récits européens et nord-américains, et sur une revendication de qualité afin de légitimer les histoires d’Agostini et justifier cette réédition. Paradoxalement, l’insertion de cette création dans un mouvement plus ample, européen, lui fournit aussi une certaine légitimité : « Il semble évident que, Européen d’origine, cultivé, parlant italien et français, il se tenait informé de ce qu’il se passait en Europe à travers les revues reçues depuis l’extérieur [16] ». La présence de nombreux dessinateurs européens dans la presse brésilienne a amplement contribué à la construction d’une communauté artistique atlantique et ils étaient valorisés par leurs origines, considérés comme modernes et civilisés. Tout cela malgré les nombreux commentaires xénophobes qu’ils devaient subir de la part d’une presse conservatrice [17]. Ainsi, cette publication valorise la production brésilienne incarnée par Agostini sans toutefois se libérer totalement de la tutelle européenne en matière de légitimation esthétique et médiatique.
Les récits racontés par Agostini dans les deux « romans illustrés », pour reprendre les mots de la Vida Fluminense, sont dignes d’attention, selon Athos Cardoso. As Aventuras de Nhô Quim (1869-1872) suit les mésaventures d’un jeune campagnard que son père a envoyé à Rio de Janeiro pour échapper à un amour indésirable. (Image 6) Sa présence à Rio et sa maladresse mettent en évidence à la fois le contraste entre la ville et la campagne et les vices et travers des grands centres modernes. Le style graphique, qui rappelle tant de revues françaises, portugaises, anglaises et autres, souligne l’insertion du Brésil dans un réseau international de capitales culturelles. Avec un titre semblable et en intégrant également les thématiques modernes, As Aventuras de Zé Caipora (1883), adopte, au fil des chapitres, un style moins comique, bien que la publication se fasse dans la revue satirique Revista Illustrada, dont Agostini était le directeur.
la pédagogie, un important vivier de production
Le volume organisé par Athos Cardoso pour les éditions du Sénat s’insère dans un mouvement plus large de collaboration des pouvoirs publics avec la patrimonialisation de la bande dessinée au Brésil, malgré la négligence institutionnelle, dont témoigne l’histoire du fonds d’archives de l’école de communication de l’Université de São Paulo (ECA-USP). Créé par Sonia Bibe Luyten, cette collection avait été conçue comme un musée tourné vers la recherche en bande dessinée. Pourtant, elle a été victime d’un « manque de volonté politique de la part des responsables de documentation de ECA-USP envers les bandes dessinées [18] ». Malgré les difficultés matérielles, la patrimonialisation de la bande dessinée progresse sur au moins trois fronts distincts sur lesquels il agit en faveur de ce produit culturel.
Un premier concerne l’organisation d’expositions dans les musées et centres culturels publics, comme vu précédemment. Un deuxième concerne la diffusion à l’étranger de la production brésilienne. Cela passe notamment par le biais du programme « Brésil en BD » (Brasil em Quadrinhos), du ministère des Affaires étrangères en partenariat avec la Biennale de la Bande dessinée de Curitiba (Bienal de Quadrinhos de Curitiba). Depuis 2019, ce projet vise à promouvoir la production brésilienne de neuvième art à l’étranger, dans le sillage d’autres projets de diffusion culturelle, tel le « Brésil en concert », pour la musique classique. Dans ce cadre, différentes initiatives dans les ambassades (conférences, débats, séances d’autographes, expositions, officines) cherchent régulièrement à promouvoir « cet important pan de l’économie créative brésilienne auprès des principaux centres producteurs et consommateurs de BD du monde [19] ». Le Portugal, le Canada, l’Angola, le Mozambique ont été certains des pays où ces actions ont eu lieu. Un troisième front est celui de l’éducation, où l’on a cherché à combattre la vision selon laquelle les bandes dessinées seraient source de corruption morale pour les enfants.
La participation de l’État est ainsi importante dans l’adoption de la bande dessinée comme outil pédagogique. Dans leur recherche précédemment citée, Victor Callari et Karoline Kunieda montrent que la pédagogie est la deuxième discipline en termes de production de recherche sur la bande dessinée ; c’est bien parce que, au Brésil, bande dessinée et éducation sont depuis longtemps liées. Autrefois cible des plus dures critiques de la part de parents et éducateurs, la bande dessinée est devenue un allié de l’éducation dans les années 1980 et 1990 [20], et cela grâce, en grande partie, aux actions des pouvoirs publics. Dans le document visant à guider les enseignants dans leur pratique éducative (Parâmetros Curriculares Nacionais), l’État brésilien a inclus en 1997 l’usage obligatoire des bandes dessinées en classe à tous les niveaux et en différentes disciplines. L’emploi d’un langage verbal et non-verbal fait de la bande dessinée un objet important à la formation des lecteurs. Et les thématiques abordées dans les albums ont été considérées comme un moyen de compréhension sociopolitique, économique et culturelle par les élèves de lycée.
Pour accompagner cet usage pédagogique des récits illustrés, le gouvernement brésilien a promu l’achat de bandes dessinées par les bibliothèques des écoles. Il l’a fait à travers le Programme national Bibliothèque de l’école (Programa Nacional Biblioteca da Escola - PNBE), créé en 1997 pour promouvoir et faciliter l’accès des élèves à la culture par l’achat d’œuvres littéraires pour les bibliothèques des écoles publiques. Parmi ces œuvres, depuis 2006, figurent les bandes dessinées. Entre 2006 et 2008, le PNBE valorisait avant tout l’adaptation d’œuvres littéraires au format bande dessinée. Mais à partir de 2009, en poursuivant le mouvement de légitimation de la bande dessinée, toute œuvre du neuvième art pouvait être acquise, sans que ce soit forcément une adaptation. Ces lieux deviennent donc des réceptacles et des moyens de diffusion de la valorisation patrimoniale.
La bande dessinée brésilienne a fait l’objet d’un processus de patrimonialisation semblable à celui qui s’est déroulé en Europe quelques décennies plus tôt, en combinant différents acteurs et facteurs. Après sa légitimation en tant qu’objet artistique et même en tant qu’instrument pédagogique, la patrimonialisation des œuvres classiques de bande dessinée gagne en importance, notamment via des rééditions. Celle organisée par Athos Cardoso s’inscrivait dans le travail d’insertion du Brésil parmi les pays fondateurs du neuvième art, d’autres concernaient des œuvres étrangères ou plus récentes. Dans tous les cas, combinées avec les expositions, les archives, la pédagogie, ces éditions permettent d’attester la valeur patrimoniale de la bande dessinée dans le Brésil actuel.
[1] Athos Eichler Cardoso (org.), As Aventuras de Nhô-Quim e Zé Caipora : os primeiros quadrinhos brasileiros 1869-1883, Brasília, Senado Federal, 2013.
[2] Renata Souza Queiroz, “História da caricatura no Brasil : um fardo nobre, cheio de memória e pertencimento”, mémoire de Master, Universidade Federal do Estado do Rio de Janeiro, 2010.
[3] Herman Lima, História da caricatura no Brasil, São Paulo, Editora José Olympio, 1963.
[4] Alvaro de Moya, A reinvenção dos quadrinhos, Campinas, Sétimo Selo, 2012.
[5] Émilie Droeven, Catherine Dubois, Claude Feltz, « Paysages patrimoniaux en Wallonie (Belgique), analyse par approche des paysages témoins », Cahiers d’économie et sociologie rurales, n°84 ‐ 85, 2007.
[6] Athos Eichler Cardoso, op. cit., p. 20.
[7] Tribuna da Imprensa, n. 464, 26 juin 1951, p. 1.
[8] O.F.F., Tribuna da Imprensa, n.469, 2 juillet 1951, p. 4
[9] O Globo, 19 novembre 1970, p. 9.
[10] O Globo, 19 novembre 1970, p. 9.
[11] Les témoignages des premiers chercheurs en bande dessinée au Brésil ont été recueillis dans le volume : Álvaro de Moya, Antonio Luiz Cagnin, Moacy Cirne, Sonia Luyten, Waldomiro Vergueiro, Os Pioneiros no Estudo de Quadrinhos no Brasil, São Paulo, Editora Criativo, 2015.
[12] Victor CALLARI, Karoline Kunieda GENTIL, “As pesquisas sobre quadrinhos nas universidades brasileiras : uma análise estatística do panorama geral e entre os historiadores”, História, Histórias, v. 4 n° 7, 2016 : "Quadrinhos em perspectiva histórica : temas e abordagens".
[13] Alex RAYMOND, Flash Gordon no Planeta Mongo, Rio de Janeiro, Pixel, 2015.
[14] Voir, par exemple, As 26 melhores histórias com Os Garotos, n° 29, Editora Abril, 1984.
[15] Waldomiro VERGUEIRO, Panorama das histórias em quadrinhos no Brasil, São Paulo, Peirópolis, 2017, p. 25-26.
[16] Idem, p. 23
[17] Aline DELL’ORTO, « La présence étrangère dans la caricature Fluminense », in Être caricaturiste, Paris, Le Poisson Volant, 2022.
[18] Waldomiro Vergueiro, "Peripécias e desventuras de um acervo de HQs", Omelete, 30 juin 2000.
[19] Voir la page Internet de Brasil em Quadrinhos : http://www.bienaldequadrinhos.com.br/bquadrinhos
[20] Rachel Monnier Ferreira, A inclusão das histórias em quadrinhos na educação brasileira, Traduzir-se, v. 1, n° 1.