la série de bande dessinée Alack Sinner de José Munoz et Carlos Sampayo (1975-2006)
Mémoire
par
Camille - Escoubet
Sous la direction de Bonnet, Alain
Master 12007-2008- Université Nantes- Histoire de l'art contemporain
Nantes- France
L’étude d’Alack Sinner, production principale de José Munoz et de Carlos Sampayo sur presque vingt ans, est une manière d’aborder la bande dessinée aux balbutiements de ce que l’on appellera plus tard la bande dessinée « d’auteur », autant qu’elle permet de mieux comprendre les auteurs eux-mêmes. Alack Sinner est aussi un témoignage sur la politique de la charnière des années 1970 en Argentine.
mots-clés : Alack Sinner ; Argentine ; Munoz, José ; Sampayo, Carlos
L’étude d’une série de bande dessinée comme {Alack Sinner} représente plus que le simple fait de décortiquer n’importe quelle œuvre de bande dessinée : en effet, production principale des deux auteurs sur presque vingt ans, elle permet à ceux-ci de cristalliser à la fois leurs préoccupations personnelles, étalées sur ces nombreuses années, autant que des larges critiques politiques, essentiellement liées à leur parcours et à leur exil d’Argentine ; et bien entendu, ce n’est pas un hasard si ces thématiques que l’on retrouve tout au long de la série jusque dans leurs travaux parallèles ({Le Bar à Joe, Sudor Sudaca},…) se mélangent et s’imbriquent même. L’étude d’Alack Sinner devient donc une manière d’aborder la bande dessinée aux balbutiements de ce que l’on appellera plus tard la bande dessinée « d’auteur », autant qu’elle permet de mieux comprendre les auteurs eux-mêmes. Et enfin, surtout dans les jeunes années de la série, elle est de fait un témoignage politique de la charnière des années 1970, essentiellement sur les malheureux évènements argentins d’abord, mais de façon plus large, sur la politique impérialiste des Etats-Unis (auxquels ils ont été confrontés toute leur vie en tant qu’argentins et européens d’adoption), sur l’évolution des mœurs sociétaux pour lesquels ils militent aussi, et enfin l’adaptation à la vie, quand on est un exilé politique, dans la vieille Europe. _ Muñoz et Sampayo regroupent également d’autres caractéristiques intéressantes à la lumière de l’évolution de la bande dessinée « indépendante » des années 1990-2000 : auteurs profondément modernes, dans le récit autant que dans le graphisme, dans leur manière d’articuler les deux, et dans leur méthode de travail, ils sont néanmoins empreints d’une longue tradition artistique résumant bien le mélange dont ils sont le fruit en tant qu’argentins : on trouve en effet chez eux des influences de la bande dessinée bien sûr, notamment du clair-obscur de certains américains des années 1940 au travers du prisme de l’Ecole Panaméricaine d’Art de Buenos Aires de Pratt, Breccia et Oesterheld, mais aussi de la littérature argentine et enfin des racines communes du film et roman noirs américain, touchant par là un graphisme et une atmosphère renouant avec l’expressionnisme. Et si l’on peut dire qu’Alack Sinner synthétise toute leur vie, elle constitue aussi une œuvre profondément inscrite dans son époque.