Consulter Neuvième Art la revue

La bédéphilie à l’université

Jean-Paul Gabilliet

Après la constitution de clubs d’amateurs et l’organisation d’événements culturels tout au long des années 1960, la troisième étape du développement de la bédéphilie au tournant de la décennie suivante fut « l’entrée à l’université » de la bande dessinée. 

Les premières initiatives sont le fait de bédéphiles de la première heure, non-universitaires mais très motivés pour se faire les exégètes du « nouveau » domaine. En 1970 débute à l’université de Vincennes un enseignement pratique de bande dessinée assuré par Claude Moliterni et Jean Giraud (le futur Moebius), auquel succède Jean-Claude Mézières à partir de 1972. En 1971, la Sorbonne (en l’espèce Paris-I) accueille un cours intitulé « Histoire et esthétique de la bande dessinée » dispensé par Francis Lacassin, qui avait été le premier président du Club des bandes dessinées, jusqu’en 1984. 

Claude Moliterni (à gauche) et Pierre Couperie (à droite), © Ervin Rustemagić, sans date

Il faut attendre 1978 pour qu’un universitaire professionnel propose un cours au sein de l’établissement où il est employé. Pierre Couperie, chef de travaux à l’École des hautes études en sciences sociales, reçoit le feu vert en 1978 pour créer un séminaire hebdomadaire consacré à l’analyse de la bande dessinée à la lumière de l’histoire de l’art. Bien qu’il soit ouvert au public, son cours reste confidentiel durant ses dix-neuf années d’existence, attirant chaque semaine seulement une poignée d’habitués, phénomène typique à l’époque pré-Internet. 

Séminaire de Pierre Couperie (assis au centre), 1997

Hormis ces « grands ancêtres », l’enseignement universitaire sur la bande dessinée se développe très lentement en France, de manière ponctuelle et le plus souvent dans des cours qui ne sont pas pérennisés. Néanmoins, on constate sur le demi-siècle suivant une évolution positive : la France compte en 2020 une trentaine d’enseignants-chercheurs et d'enseignantes-chercheuses titulaires en sciences humaines et sociales consacrant une partie substantielle de leur enseignement à la bande dessinée ainsi que deux masters recherche spécialisés, l’un à Poitiers, l’autre à Bordeaux.

Trina Robbins recevant un doctorat honoris causa à l'université Bordeaux-Montaigne, © Gautier Dufau, 2023

Pour aller plus loin

Bédéphilie