La bédéphilie dans les revues de bande dessinée
[Avril 2024]
Si les revues spécialisées dans la réflexion sur la bande dessinée publient des planches de création, les revues de création proposent également des textes d’étude sur la bande dessinée.
En 1964, dans le n° 1392 du Journal de Spirou, Morris (dessinateur de Lucky Luke) et Pierre Vankeer (membre du CELEG) inaugurent une rubrique amenée à faire date : « 9e art, Le musée de la bande dessinée. » En hissant la bande dessinée à ce neuvième rang, les deux hommes ont pour ambition de démontrer qu’elle possède bien ses « lettres de noblesse ». Semaine après semaine, ils présentent des auteurs emblématiques, de Caran d’Ache à Milton Caniff en passant par Wilhem Busch ou encore Alain Saint-Ogan.
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Bandeau de la rubrique "9e art", Spirou n° 1392, 1964
Parallèlement débute dans la même revue en 1972 la rubrique de Thierry Martens « Et les fanzines ! » qui dresse au fil des numéros un panorama de la production fanzinesque franco-belge.
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Illustration pour la rubrique "Et les fanzines", André Franquin, Spirou n° 1809, 1972
De son côté, Charlie Mensuel tient une position plus équivoque car bercée de polémiques : dénonçant vertement les ambitions et activités des premiers bédéphiles, elle accueille pourtant plusieurs rubriques qui les rejoignent. De même, les rédacteurs posent un regard précis et savant sur le neuvième art tout en s’en défendant, prônant volontiers la posture du sale gosse érudit. Leur singularité ainsi construite inscrit la bande dessinée dans une histoire plus large de la création graphique, allant du cinéma d’animation à l’album jeunesse, et valorise autant l’underground mondial que les publications hexagonales issues de l’âge d’or.
Durant la même période, l’éphémère revue Pogo (devenue Poco dans ses derniers numéros) se spécialise dans la publication de planches anciennes en les accompagnant d’études diverses.
Ces revues de création, qui pouvaient avoir une très large audience, offrent ainsi à voir un art qui se confronte désormais à son passé et essaie de mieux comprendre son présent. La bande dessinée se dote alors d’un patrimoine, s’accorde sur des œuvres canoniques et se crée un héritage.
Pour aller plus loin
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