Dossier - Rééditions et patrimonialisation chez Marvel
Depuis sa création à la fin des années trente, l’éditeur Marvel est à l’origine d’une immense production de comic books. En plus de quatre-vingt ans d’existence, des dizaines de milliers d’épisodes ont ainsi été publiés, dont une très grande partie s’inscrivant dans un même univers narratif. Le regard rétrospectif et nécessairement sélectif que l’entreprise porte sur ce fonds est traversé par les questions de la sérialité, de la matérialité et de l’attribution. Que ce soit dans les rééditions propres à Marvel ou dans celles externalisées auprès d’autres éditeurs, cette patrimonialisation en actes est dominée par une conception narrative et industrielle, suivant laquelle les personnages et leurs histoires importent plus que les créateurs et leur histoire.
Un patrimoine narratif ? Réédition et univers fictionnel chez Marvel depuis les années 1960
Depuis 1939, l’éditeur américain Marvel a publié des dizaines de milliers de bandes dessinées. De cette production immense, que retenir ? Comment définir le patrimoine de Marvel ? L’éditeur lui-même donne des éléments de réponse à travers ses pratiques de réédition. L’exploitation de son fonds, depuis la première moitié des années 1960 jusqu’à nos jours, repose sur un ensemble de logiques variées. Mais, outre des logiques commerciales évidentes, la sélection de ce qui doit être réédité montre combien l’univers fictionnel de l’éditeur est un critère essentiel de cette patrimonialisation en actes. L’accent mis sur les origines des personnages et sur les moments clés de la « continuité » dessine un patrimoine considéré avant tout comme narratif.
La patrimonialisation comme promotion – et inversement. À propos d’une réédition Marvel
En s’arrêtant sur un cas particulier, un comic book paru en 2020, il est possible de démêler la diversité des logiques qui président à la façon dont l’éditeur Marvel gère ses productions présentes comme son fonds passé. Une logique circulaire, appuyée sur la « continuité » propre à cet univers fictionnel, tient dans un même mouvement éditorial des comics publiés à plusieurs décennies d’écart. Par cette approche du récit, la patrimonialisation participe à la promotion – et inversement.
Monuments, reconstitutions et produits dérivés. L’externalisation de la patrimonialisation par Marvel (1)
Depuis quelques années, la maison d’édition américaine Marvel se tourne vers d’autres éditeurs pour rééditer certains éléments de son fonds. Une particularité des publications nées de ces partenariats est de s’inscrire dans une démarche explicitement patrimoniale, en donnant des supports prestigieux et des commentaires de contextualisation à des œuvres présentées comme des classiques dignes de conservation. Comparer ces productions avec les rééditions venant directement de Marvel permet de voir ce que l’externalisation de la patrimonialisation rend possible mais aussi ce qui reste indépassable dans la gestion du fonds d’un tel acteur éditorial.
“Historical truth or industry legend”? La diversité des mises en perspective éditoriales. L’externalisation de la patrimonialisation par Marvel (2)
En externalisant auprès de différents éditeurs la réédition d’une partie de son fonds, Marvel a suscité la production d’ouvrages témoignant d’un rapport renouvelé à la matérialité des comic books, entre rappel des périodiques originaux et monuments bibliophiles (voir partie 1). Une autre caractéristique partagée par toutes ces rééditions externalisées est la présence d’un important commentaire paratextuel. Chaque volume consacre de nombreuses pages à des préfaces comme à des textes de contextualisation des œuvres. Si les corpus réédités et commentés se recoupent en partie, se joue là cependant une réelle division éditoriale du travail patrimonial, entre prolongement de l’autocélébration de Marvel et mise en perspective critique de ces comics et de leur production.
Pour aller plus loin
Pour prolonger, un article de Sylvain Lesage sur la mobilisation du patrimoine dans la bande dessinée