Dossier - Les bandes dessinées de non-fiction
[2024]
Ce dossier, publié une première fois en 2022 dans la revue Neuvième art, a été mis à jour en ligne en 2016 et constituait la première tentative critique de circonscrire l'étendue d'une pratique qui allait devenir prépondérante dans le champ de la bande dessinée. Sous cette appellation héritée de l'expression américaine qui distingue toute pratique d'écriture qui ne serait pas de la fiction, on peut retrouver plusieurs types de productions parfois hybrides: le documentaire, le témoignage, l'enquête, la biographie ou encore l'essai. Retrouvez ici une série d'articles et d'entretiens qui permettent de prendre connaissance des racines et des développements d'une approche dont il est aujourd'hui difficile de délimiter les frontières.
La bande dessinée sur le terrain
Tintin, reporter au Petit Vingtième, Fantasio, envoyé spécial du Moustique, Ric Hochet, journaliste à La Rafale, Jeannette Pointu, reporter photographe, Clark Kent alias Superman, journaliste au Daily Planet... Avec tous ces personnages fictifs, parmi les plus illustres, ayant embrassé la carrière de journaliste, il était dit qu’un jour ou l’autre, la bande dessinée se préoccuperait plus particulièrement de reportages.
La bande dessinée du réel et la poésie de la non-fiction
L’histoire de la bande dessinée est celle d’une série de tentatives pour échapper à une « assignation à l’enfance » qui se double d’une forte standardisation des récits : la « bande dessinée du réel », qui s’est imposée en Europe au cours de la dernière décennie, est la dernière en date de ces tentatives.
Entretien avec joe sacco
Apparu sur la scène américaine dans le cours des années 80, Joe Sacco a d’abord exercé ses talents dans le domaine de l’humour satirique, avant de conjuguer sa formation de journaliste et sa passion pour la bande dessinée dans Palestine, compte rendu de plusieurs séjours dans les territoires occupés. Il a depuis effectué plusieurs reportages graphiques en ex-Yougoslavie qui conjuguent rigueur journalistique, audace narrative et un sens aigu de l’auto-ironie.
Les reportages de Cabu
« Invitez-moi chez vous, je vous ferai des petits mickeys », proposait Cabu à ses lecteurs des années 70. Et semaine après semaine, il croquait les paysans du Larzac, les communautés tuyau-de poêle, les manifs anti-nucléaires et les vieilles bâtisses avant qu’elles ne soient livrées aux bétonneurs.
Les illuminations de Teulé
Rares sont les transfuges à avoir aussi bien réussi que Jean Teulé. On s’en souvient, avant de trouver un public fidèle en littérature, l’écrivain avait vécu une première carrière de dessinateur. Mais si aujourd’hui le petit monde de la bande dessinée se plaît à adapter ses romans, ses albums ont pour la plupart disparu du paysage. Un d’entre eux, Bloody Mary (Glénat, 1983), a pourtant donné son nom au prix des critiques de bande dessinée pendant quatorze années, avant de s’éclipser à son tour de la mémoire collective. Seuls Gens de France et Gens d’ailleurs, ses dernières créations, les seules qui n’aient pas relevé de la fiction, restent disponibles grâce au catalogue de ego comme x.
L’Association et le reportage
Le reportage dessiné ne commence-t-il que lorsque l’on franchit de lointaines frontières ? Dès Logique de Guerre Comix (première publication de L’Association, 1990), David B publiait des chroniques de la rue des Rosiers qui s’apparentaient déjà à une forme de reportage. Les expériences autobiographiques des premiers Lapin ont tôt fait la part belle aux récits de voyage (par exemple mon propre Helsingissa Oleskelu, voyage en Finlande, dans le No.1). Si le récit d’observation ne nécessite pas forcément de destination éloignée, en revanche il a besoin d’un lieu pour s’ancrer.
Entretien avec Étienne Davodeau
Né en 1965, Davodeau publie son premier album en 1992, L’Homme qui n’aimait pas les arbres. Sa bibliographie compte à présent plus de vingt livres, plus quelques scénarios pour Joub ou David Prudhomme. L’adaptation au cinéma de Lulu femme nue, le succès public et critique d’albums tels que Les Ignorants ou, récemment, Cher pays de notre enfance (avec Benoît Collombat), ont fait de lui l’un des auteurs les plus en vue de sa génération.
Extension du domaine de la non-fiction
On lira ci-dessous un extrait de mon essai La Bande dessinée au tournant (Les Impressions Nouvelles / Cité internationale de la bande dessinée et de l’image) qui paraît fin septembre à l’occasion des Rencontres nationales de la bande dessinée. J’y détaille les différentes manifestations actuelles de la bande dessinée de non-fiction.
« Pour suivre les traces de nos aînés » : Li Kunwu, passeur
« Si je ne le dessine pas, il n’y aura bientôt plus personne pour le faire ». Ainsi s’exprime Li Kunwu, dessinateur autodidacte chinois de 62 ans, journaliste au Yunnan Ribao, qui s’est fait connaître en France il y a une quinzaine d’années avec une bande dessinée en trois tomes, Une vie chinoise, éditée par Kana éditions. Dix bandes dessinées plus tard (les chinois disent Manhua), l’auteur à présent reconnu s’expose dans différents lieux culturels. Ses encres grand format dressent le portrait ethnographique d’une Chine ethnique et reculée en train de disparaître. Le noir et blanc de ses travaux leur confère d’ailleurs l’aura nostalgique des photographies du passé – comme si « ce qu’il dessinait n’existait déjà plus ».
« Le moment était le bon » : entretien avec David Vandermeulen
Au printemps 2016, les éditions du Lombard lançaient une collection encyclopédique d’un genre nouveau, intitulée "La Petite Bédéthèque du Savoir". David Vandermeulen, auteur de Fritz Haber, en assure la direction. Il s’explique ici sur les tenants et aboutissants de ce projets ambitieux.
Pour aller plus loin :
Florence Amsbeck, Christophe Cassiau-Haurie (dir.), La BD du réel, Bibliothèque Nationale et universitaire de Strasbourg, 2023
Benjamin Caraco, "Reportage(s) : Intimité du journalisme et de la bande dessinée", Site Nonfiction, 2013
La bibliographie du laboratoire "Sciences dessinées" de l'ENS de Lyon sur la bande dessinée de reportage, établie en 2014