Dossier - Emmanuel Guibert
[octobre 2024]
Né en 1964 à Paris, Emmanuel Guibert, auteur de bande dessinée, s’est vu encouragé dès l’enfance, par passion familiale, à aller vers cette littérature graphique, qu’il a par la suite investie en s’adressant à tous les publics. La fin prématurée de ses études aux Arts Décoratifs de Paris marque ses débuts professionnels avec la réalisation de story-boards, suivie de sa première publication, Brune, une œuvre complexe et désavouée par l’auteur mais marquant les prémices d’une longue carrière.
Une transition artistique et humaine marquée par son passage à L’Association dans la revue Lapin le fera s’orienter vers un style graphique plus épuré, comme dans La guerre d’Alan, bande dessinée pour laquelle fut effectué un véritable travail de documentation et de mémoire autour de la figure d’Alan Ingram Cope, un ancien soldat américain devenu l’un de ses amis. Il a enrichi le paysage de la bande dessinée jeunesse avec des grands succès comme Ariol (Bayard Presse) ou encore Sardine de l’espace (Dargaud) avec Joann Sfar, tous deux devenus des titres incontournables pour les plus petits. Par ailleurs, en collaborant avec Joann Sfar ou David B. pour La fille du professeur et le Capitaine écarlate, il explore le fantastique et la poésie. Avec son livre Japonais (Futuropolis)issu d’une résidence de plusieurs mois à Kyoto, ou encore en rendant hommage à son ami et collègue Didier Lefèvre dans Le Photographe (Dupuis), il a exploré les genres du reportage, du documentaire, ou de la bande dessinée historique, ancrant ainsi son œuvre dans le réel et surtout dans le dialogue avec des rencontres humaines décisives dans son parcours .
Seul ou en duo, en tant que scénariste, dessinateur, ou observateur, lauréat du Prix René Goscinny du meilleur scénario en 2017 et du Grand Prix du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême en 2020, Emmanuel Guibert est devenu une figure emblématique dans le paysage de la bande dessinée française auprès des plus grandes et plus grands. Artiste aux multiples facettes, il a également publié un roman (Mike, Gallimard), des poèmes qu’il a illustrés (Légendes I et II, Dupuis) et s’adonne à la pratique du dessin et de l’estampe en-dehors du livre (Atelier Idem). Et au-delà, car il fait montre de ses talents de musicien avec son disque La Musique d’Alan (Vision Fugitive) en 2020.
Depuis 2023, son élection l’Académie des beaux-arts dans la section dessin et gravure, marque la reconnaissance de sa contribution au monde du neuvième art. Ainsi nous vous proposons un dossier spécial retraçant son parcours exceptionnel, ses voyages, et ses œuvres.
Emmanuel Guibert tiendra également une conférence lors de la journée d’étude “Les Corps pendulaires. Corps et temps dans la bande dessinée ” le mercredi 20 Novembre 2024 dans l’Auditorium du Musée de la Cité de la bande dessinée.
Lisa Martin
En médaillon : Emmanuel Guibert par Nicolas Guérin (Angoulême, janvier 2010) © Nicolas Guérin / CIBDI
Trois regards sur l’Enfance d’Alan
La parution cet automne de L’Enfance d’Alan d’Emmanuel Guibert, à L’Association, est un événement éditorial incontournable. L’occasion se prête admirablement bien pour écrire sur cette œuvre annoncée et attendue depuis nombre d’années, ne serait-ce que parce que, de l’aveu même de Guibert, le récit qu’elle contient aurait normalement dû précéder les trois tomes de La Guerre d’Alan. Mais aussi parce qu’elle atteint, à tous égards, un sommet de perfection. Sa stupéfiante beauté rend sans doute plus délicat le commentaire qu’on voudrait livrer à son sujet. Pour faire bonne mesure, une œuvre telle que celle-là requiert du critique un réel effort d’invention dans l’approche et dans le discours. En écho avec le récit de Guibert qui porte haut la subjectivité d’un regard posé sur le monde − dans l’évidence de ce qu’il est, parcellaire, insulaire, anecdotique même −, on s’autorisera une expression moins dérobée qu’à l’habitude dans les regards ici proposés à la lecture.
Les Guerres d’Emmanuel
Dans la production d’Emmanuel Guibert, deux créations ont pour toile de fond la Seconde Guerre mondiale : Brune, prépublié dans L’Écho des Savanes à partir de 1991, et La Guerre d’Alan, dont les premières planches paraissent dans Lapin dès 1997. Entre une fiction traitant de l’ascension d’Hitler et la relation des souvenirs d’Alan Ingram Cope, ancien soldat américain et ami de l’auteur, les similitudes se révèlent, pourtant, bien peu nombreuses.
Entretien avec Emmanuel Guibert
Du récit de guerre au conte littéraire, de la fantaisie enfantine à la fresque en costumes, l’œuvre en devenir d’Emmanuel Guibert surprend et fascine d’abord par sa diversité. Ses carnets à eux seuls paraissent vouloir accueillir tous les styles, tous les motifs, toutes les techniques. Parce qu’il participe, avec une intégrité et un talent remarquables, aux multiples aventures de la bande dessinée actuelle, il était temps pour nous de saluer cet artiste sensible et accompli.
Au pays des enfants heureux
Parallèlement à la Guerre d’Alan, Emmanuel Guibert mène une carrière de scénariste pour la jeunesse, à travers deux séries de bande dessinée aux partis pris très différents : Sardine de l’espace et, plus récemment, Ariol − respectivement illustrées par Joann Sfar et Marc Boutavant.
Kyoto mon amour
Emmanuel Guibert a séjourné plusieurs mois à Kyoto en 2007. Il y a réalisé des petits trésors graphiques et a conservé depuis, une passion pour cette ancienne capitale impériale du Japon. Interview vidéo (3 min 30").
Hommage d’Emmanuel Guibert à Mark Beyer
En janvier 2010, le musée de la bande dessinée présentait l’exposition Cent pour Cent : à l’invitation de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, une centaine d’auteurs du monde entier rendaient hommage, par une planche inédite, à une planche originale choisie dans les collections du musée d’Angoulême. Emmanuel Guibert avait porté son regard sur une planche de Mark Beyer. Son hommage est commenté par Christian Rosset.
Saint-Ogan dans le fonds Guibert-Langlois
Emmanuel Guibert a donné à la Cité, en 2014, un « patrimoine de dessins » reçus, lorsqu’il était âgé d’une dizaine d’années, de Marcelle Langlois, une cousine de son grand-père. Ce « trésor » constitué de « trois grands et gros classeurs farcis de dizaines et dizaines d’originaux » avait appartenu à son défunt mari, Paul-Emile Langlois, lequel avait été l’éditeur de Cadet-Revue, un périodique pour enfants des années 1930, sponsorisé par Ovomaltine. Alain Saint-Ogan en était le rédacteur en chef. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’il soit le dessinateur le mieux représenté dans ce fonds.
Le legs Marcelle et Paul-Émile Langlois
Dans un beau texte inédit, Emmanuel Guibert rend hommage à Marcelle Langlois, une figure marquante de sa famille, dont il avait reçu trois cahiers remplis de dessins originaux, aujourd’hui légués à la Cité.
La saveur des olives noires
Il est question d’une reprise des Olives noires en 2013, dix ans après la parution du troisième tome, une nouvelle qui ne pourra que réjouir les admirateurs de ce « peplum biblique » trop tôt interrompu.
La fille du professeur
Réussite exemplaire née de la connivence mûrie en atelier entre Joann Sfar et Emmanuel Guibert, La Fille du professeur a séduit un large public par son côté saugrenu, culotté et intemporel, son ton faussement désinvolte, sa narration rapide, ses personnages hauts en couleur. Un sentiment de fraîcheur inédite s’y conjuguait avec un classicisme rassurant.