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Diapositives et rééditions

Sylvain Lesage

Les pratiques d’édition et de réédition des amateurs francophones rassemblées dans les diverses associations bédéphiles (CBD / CELEG, Socerlid…) sont relativement connues. Pourtant, au sein de la bédéphilie francophone, la première forme de réédition passe par… la diapositive ! Le CELEG a en effet recouru aux diapositives au début des années 1960 afin de faciliter l’accès aux œuvres de « l’âge d’or ». 

Les diapositives offrent en effet une alternative à la réédition en papier, à l’époque trop chère pour des tirages faibles. Pour une génération avide de renouer avec les émotions de son enfance, la diapositive permet, pour un prix relativement modique, de faire miroiter les couleurs de la publication originale. 

Diapositives rééditant Flash Gordon proposées par le CELEG, © Matéo Pillu 2024
Ces diapositives sont conservées dans le fonds patrimoniale de la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image

Début 1963, le CELEG se lance dans la réédition de l’épisode de « Guy l’Éclair en Frigie », découpé en deux livraisons de 24 et 23 diapositives, clichées à partir des épisodes américains fournis par la Bibliothèque du Congrès à Washington, et accompagnées d’une brochure contenant la traduction des planches. Cet épisode de Flash Gordon alors inédit en français parce que publié pendant la Guerre, comble ainsi à posteriori la blessure nostalgique causée par l’interruption de Robinson

Diapositive d'une planche de Flash Gordon, © Matéo Pillu, 2024

Le dispositif de bande dessinée sur écran suscite des débats enfiévrés dans les publications bédéphiles, mais l’engouement est de courte durée. Le projet, un brin optimiste, prévoyait des centaines de diapositives. À l’arrivée, seules 47 ont été réalisées. 

Extrait de Giff-Wiff 3-4, page 30, 1962

Un an après, la bédéphilie adopte le papier comme support de ses rééditions, et fait le choix du noir et blanc. C’est aussi une autre conception de la bande dessinée qui prend le dessus : plutôt que de renouer avec les couleurs de la nostalgie, les rééditions luxueuses en noir et blanc mettent en valeur la technique graphique des dessinateurs, et s’inscrivent dans un projet de légitimation du neuvième art. 

Pour aller plus loin

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