dans l’atelier de… françois bertin
[Mai 2015]
Né en Bretagne en 1976, François Bertin a surtout travaillé dans l’animation, dans plusieurs studios. Il a lui-même réalisé deux courts métrages. Il s’oriente désormais vers la bande dessinée et réalise, en résidence à la Maison des Auteurs de février 2014 jusqu’à juin 2015, un album autobiographique intitulé Regarde les filles.
Thierry Groensteen : Vous avez pris vos premiers cours de dessin dès l’âge de dix ans…
François Bertin : Oui, d’ailleurs je le raconte dans le livre que je suis en train de réaliser. Mon institutrice avait dit à ma mère que je dessinais bien et que j’avais l’air d’aimer ça. Ma mère, qui n’avait rien remarqué de particulier, en a été surprise. Elle m’a confié plus tard qu’elle entretenait des regrets de ne pas avoir elle-même tâté des Beaux-Arts. Toujours est-il qu’elle m’a inscrit à un cours du mercredi matin ‒ ce qui me faisait manquer mes dessins animés préférés, auxquels j’étais très attaché ‒ à l’école d’art de Creil. Dans mon souvenir, j’étais le seul enfant, il n’y avait que des personnes âgées dans ce cours. C’était très austère, à l’ancienne : nous avions des chevalets, on nous faisait dessiner des plâtres, mais j’avais un bon feeling avec notre professeure et j’ai aimé ça. Ça s’est arrêté au bout d’un an parce que nous avons déménagé pour Saint-Quentin, dans l’Aisne. Ma mère m’y a inscrit dans un cours équivalent, mais ce n’était pas la même approche du dessin. J’y suis allé deux fois et j’ai dit que je ne voulais pas y retourner.
Dans votre tête, il a toujours été clair que vous deviendriez dessinateur… ?
Oui, c’était assez clair depuis le début. Mais le dessin, c’est vaste. Il restait à définir vers quoi j’allais me diriger précisément.
Vous avez fait l’EESI, à Angoulême. Avec l’idée de faire de la bande dessinée ?
Non, je ne savais pas ce que je voulais faire. Pourtant la bande dessinée a toujours été présente chez moi. Mon premier souvenir de BD c’est Astérix. Ma sœur m’offrait un album à chacun de mes anniversaires et à Noël. Je m’endormais avec tous les soirs... En revanche, je ne lisais aucun des magazines de BD. Ados, mes copains lisaient Fluide glacial, mais ce type de dessin ne me plaisait pas.
C’est vraiment à l’EESI que je me suis remis à dessiner sérieusement, grâce, en particulier, à un professeur qui s’appelait Claude Richard. Il nous obligeait à exécuter chaque jour au moins un dessin d’observation, ce qui m’a beaucoup plu. Le prof de BD était Dominique Hérody. Il m’encourageait mais je n’arrivais pas à être satisfait de mes planches. Au bilan de fin d’année, il m’a dit : « Il faut que tu fasses de la BD ». Cette phrase est restée gravée dans ma mémoire. Mais ce n’était pas encore le moment.
Qu’est-ce qui n’était pas satisfaisant ?
D’abord, mes dessins ne me plaisaient pas. Ensuite, je n’arrivais pas à les organiser en séquence, à les mettre les uns derrière les autres pour raconter ce que je voulais. L’animation me semblait plus naturelle, je voyais mieux comment raconter par le mouvement… J’ai continué l’EESI en deuxième année à Poitiers, où j’ai découvert l’animation. J’ai obtenu le DNAP à l’issue de la troisième année, et j’ai fait une quatrième année, autour d’un projet d’animation. Je voulais me spécialiser là-dedans, et donc j’ai enchaîné avec une école de réalisation de films d’animation, La Poudrière, à Valence…
École dont j’ignorais l’existence jusqu’à aujourd’hui…
Elle a été créée en 1999 à l’initiative de Jacques-Rémy Girerd, le fondateur du studio Folimage qui, lui, existe depuis 1981. J’ai fait partie de la deuxième promotion. J’y ai appris à écrire, à faire un synopsis, un storyboard, à réaliser… Parmi nos professeurs, il y avait Guy Delisle, qui était en train de quitter l’animation pour aller vers la bande dessinée. Il venait de terminer Shenzen. Toutes les semaines, nous avions un ou deux intervenants… Je suis arrivé assez rapidement à avoir une animation qui fonctionnait bien, je pensais donc pouvoir intégrer le métier et gagner ma vie en travaillant dans un studio. Même si, parallèlement, j’espérais pouvoir réaliser mes propres histoires.
En deuxième année à la Poudrière, vous avez réalisé un court-métrage de 3’30’’, Picore. L’histoire d’un jeune homme dont la maison est envahie par d’étranges volatiles et qui finit par se transformer lui-même en une sorte d’oiseau. Dans votre notice biographique, celle qu’on trouve partout, on lit que ce film serait une manière d’autoportrait. Pourquoi cela ?
Picore reprend l’histoire d’une BD que j’avais faite en première année à l’EESI. Le sujet venait de Dominique Hérody, c’était : « Vous rentrez chez vous, une surprise vous attend… » C’est le directeur d’études de la Poudrière qui, se souvenant d’avoir vu ces pages dans mon dossier, m’avait dit qu’elles feraient un bon sujet pour mon film de fin d’études. J’ai dessiné le personnage à mon image, et la maison est celle que j’habitais à Angoulême, rue Archambault, et que j’avais beaucoup dessinée. Plus fondamentalement, un de mes proches m’a dit que ces oiseaux qui prennent tout l’espace sont un peu une métaphore de mon rapport aux autres. Je pense qu’il avait raison et, désormais, j’aime bien présenter le film comme ça…
Dans les premiers plans, il me semble discerner une certaine filiation avec le réalisateur belge Picha…
Ah oui ? Peut-être. Graphiquement, l’influence que je subissais le plus à ce moment-là, c’était celle de Nicolas de Crécy. J’étais très marqué par son graphisme.
Picore a obtenu un prix au festival de Clermont-Ferrand en 2003. Vous avez ensuite travaillé dans des studios… ?
Déjà entre mes deux années, j’avais été embauché à Folimage en tant qu’assistant animateur sur un court-métrage. Après ma deuxième année, j’ai été repris, cette fois comme intervalliste, et j’ai travaillé sur la fin du long métrage La Prophétie des grenouilles. Puis, comme il n’était pas possible d’enchaîner immédiatement sur une autre production, j’ai préféré revenir à Angoulême. J’ai été recruté par le studio 2 Minutes pour travailler comme animateur sur une série télé pour les tout petits, L’Âne Trotro, ainsi que sur Shuriken School. Pour la première fois, j’ai travaillé sur tablette graphique. Jusque-là je n’avais pratiqué que la méthode traditionnelle, en dessin par dessin, sur papier. J’ai eu du mal à m’adapter, au début, et j’aurais même pu être viré assez facilement si je n’avais pas fini par me réveiller. Par la suite j’ai travaillé pour d’autres studios implantés à Angoulême : Les Trois Ours, Prima Linea…
Sept ans après Picore, vous avez réalisé votre second court-métrage, La Vénus de Rabo (10’), produit par Les Trois Ours et Les Films du Nord. Vous n’aviez pas eu l’occasion, entre-temps, de faire quelque chose de personnel ?
Je crois que j’étais en hibernation. J’ai vécu, j’ai eu deux enfants, et puis j’avais mon salaire, j’étais content. J’ai tout de même lancé deux ou trois projets mais rien ne s’est concrétisé. Le livre que je réalise maintenant est un peu dans la continuité d’un projet de mini-série en animation auquel je songeais à cette époque.
La Vénus de Rabo transpose votre expérience du monde de l’animation dans un tout autre contexte, celui de l’art préhistorique. On y voit des hommes des cavernes peindre des mammouths à la chaîne dans une grotte, sous la supervision d’une sorte de chef d’atelier… D’où vous est venue cette idée ?
Le personnage principal du film représente Laurent, un copain que j’ai rencontré à Poitiers et qui a fait, comme moi, La Poudrière, puis qui a travaillé à 2 Minutes à côté de moi. Je le croquais assez souvent, je l’ai toujours vu comme un bon personnage. Il a un côté assez brut, assez libre, qui m’inspirait. Un jour, avec deux autres copains, on s’est demandé : on ferait quoi si on vivait aux temps préhistoriques ? J’ai tout de suite commencé à faire des dessins et je pense que le film est parti de là.
À côté de Rabo / Laurent, il y a un personnage vêtu d’une sorte de collant intégral…
Celui-là me représente, tel que je me vois. C’est le même personnage que dans Picore, un peu craintif. Je me suis dessiné comme une sorte d’homme-grenouille complètement encapuchonné. Quand il m’arrive de me dessiner sous la forme d’un animal, c’est généralement une grenouille… Ce costume offre un contraste avec le personnage de Rabo, puissant, et qui aurait pu être tout nu si la décence ne m’avait pas obligé à lui mettre un pantalon. Toujours en opposition, j’incarne le bon ouvrier, ponctuel, sérieux, obéissant, tandis que Rabo n’en fait qu’à sa tête.
Rabo a d’autres ambitions artistiques. Son sujet, c’est plutôt la femme, et il entreprend de sculpter celle dont il est tombé amoureux en la voyant se baigner…
Voilà. Les autres travaillent à la chaîne dans l’industrie du divertissement, lui veut faire de l’Art avec un grand A. Rabo est un personnage très violent, comme le montre la scène de chasse, et en même temps quelqu’un de raffiné.
Les couleurs sont un aspect assez frappant du film. Elles sont très saturées…
C’est Simon Montel qui signe les couleurs. Lui aussi faisait partie de notre « groupe des quatre », avec Laurent. Il est principalement illustrateur. Il a été impliqué dans le film dès le départ et y a apporté beaucoup, puisque les gens me parlent souvent des couleurs, en effet. Pour ma part, je suis vraiment un dessinateur du trait, du noir et blanc. Lui prenait mes dessins et les colorisait.
Vous êtes intervenant à l’EMCA (l’École des métiers du cinéma d’animation) depuis 2010. On est venu vous chercher ?
Christian Arnau, le directeur des études, cherchait des gens pour enseigner l’utilisation du logiciel Flash, le logiciel d’animation 2D le plus répandu dans les studios. J’ai commencé à intervenir dans ce cadre-là. Après deux ou trois ans, lors d’une réunion, j’ai demandé à Christian s’il ne cherchait pas quelqu’un pour enseigner le dessin d’observation. Depuis deux ans maintenant, c’est là-dessus que portent mes interventions. Je pousse les étudiants à sortir dans la rue avec leurs carnets et à dessiner tout ce qu’ils voient. Ils se confrontent aussi au modèle vivant. Cette activité d’enseignant m’occupe une journée ou deux par semaine, d’octobre à avril, ce qui me convient parfaitement. Le dessin d’observation est vraiment mon terreau, et j’essaie de transmettre ce qu’on m’a donné.
Vous avez un blog, qui s’intitule « La Touche F6 »…
Oui, c’est Simon Montel qui m’a incité à ouvrir ce blog, comme il savait que j’avais beaucoup de croquis à montrer. Je l’ai appelé « La Touche F6 » parce que mes copains m’appellent Francis, ce qui ressemble à F6, et surtout parce que F6 est la touche principale du logiciel Flash, celle qui crée une nouvelle image clé. Désormais le blog est surtout consacré à ma production BD, mais je ne le tiens pas assez sérieusement… [1]
Il y a une rubrique assez régulière, c’est « la fille du jour »…
Ce sont des dessins que je fais après coup d’après des filles que j’ai remarquées et observées dans la rue. Ils ne sont pas faits sur le motif, mais ils sont tout de même basés sur l’observation. J’aimerais bien faire quelque chose un jour de cette série…
Votre première publication en bande dessinée, c’est une histoire en 8 pages, L’Aberration familiale, parue en août 2014 dans le deuxième numéro de Freakshow Comix, une revue annuelle lancée l’année précédente par une petite structure éditoriale à but non lucratif, l’Atelier Turut, à Soyons (Ardèche)…
Je ne suis pas vraiment impliqué dans ce collectif mais je connais Pierre Bouvier, qui en est le créateur, avec Laure Calé, et il m’a demandé de contribuer à ce deuxième numéro. L’Aberration familiale, c’est de l’autofiction, à partir de souvenirs d’adolescence. Le récit est basé sur un projet de court métrage que j’ai eu mais qui ne s’est pas fait.
Comme dans Picore, il y est question d’une maison dans laquelle il se passe des choses étranges…
Oui oui, je vais faire ma carrière là-dessus (rire).
C’est donc la sollicitation de Pierre Bouvier qui vous a fait revenir à la bande dessinée…
Pas exactement. Le déclic, ça a été les 24 heures de la BD, en 2011, dont le sujet imposé était Popeye. J’ai réédité l’expérience deux fois depuis, notamment en janvier de cette année. En participant aux 24 heures, j’ai senti qu’il était temps que je me lance dans la bande dessinée, que j’en avais envie.
Dans l’Aberration familiale, vous utilisez une technique de dessin fondée sur la hachure, alors que pour les 24 heures, cette année, où le dessin est beaucoup plus libre et jeté (ce qui est bien normal puisqu’il s’agit de réaliser 24 pages en 24 heures), je discerne une tout autre influence, celle de Bastien Vivès…
Oui, je ne nierai pas que je regarde beaucoup son travail depuis quelque temps. Vivès me marque beaucoup. C’est la même école, celle du dessin d’observation… J’ai subi d’autres influences auparavant, entre autres celles de de Crécy dont nous avons parlé, puis de Sfar, Blain, Manara… Aujourd’hui je lis Chester Brown, Joe Matt, Charles Burns, David B., Jim Woodring, tous les artistes qui m’inspirent dans le noir et blanc. Se trouver, graphiquement, est un vrai défi. Mais il faut aussi prendre en compte le changement d’outil : L’Aberration a été dessinée à la plume, tandis que pour les 24 heures, j’ai travaillé sur tablette.
Vous travaillez maintenant sur un projet d’album, annoncé sous le titre Filles à plomb…
Le titre vient de changer. Ça s’appelle maintenant Regarde les filles. Le livre doit être publié par les éditions Vraoum. Il comptera un peu plus de 200 pages, en noir et blanc, dans un format proche du A5. J’ai un découpage complet, mais je suis en train de resserrer certains passages.
Pourquoi avoir choisi la formule de la résidence à la Maison des Auteurs pour travailler sur ce livre ?
Les 24 heures se déroulent ici, donc j’avais déjà établi un premier lien avec la maison. Je me suis dit que le fait de travailler au contact d’autres auteurs m’aiderait à mettre un pied dans la bande dessinée. Et puis je savais que c’est ici que Marine Blandin a réalisé son album Fables nautiques [2], que j’aime énormément. Je me suis dit : je veux faire pareil. Mon dossier a été accepté, et voilà, j’ai apporté tout mon matériel personnel, mon ordinateur, ma tablette…
Quel est le propos de cet album en cours de réalisation ?
C’est un récit autobiographique. Au départ je voulais mettre en scène des éléments de ma vie, depuis l’enfance jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans, mais peu à peu le propos s’est resserré autour de mes rencontres avec des personnages féminins. C’est devenu le fil conducteur du récit. Il y a ma mère, ma sœur, ma grand-mère, mon institutrice, ma prof de dessin, et bien sûr mes amoureuses. Je termine par la rencontre de la femme ultime !
Comment expliquez-vous qu’il y ait toujours un élément autobiographique à la base de tous vos projets ?
Je ne sais pas, ça m’est naturel, je fonctionne comme ça… Mais j’aimerais vraiment pouvoir un jour écrire et dessiner une pure fiction. Je vais travailler avec quelqu’un qui m’aidera à bâtir le scénario.
Vous vous êtes intéressé de près à l’essor du genre autobiographique dans la bande dessinée de ces 25 dernières années ?
Non, pas vraiment, je n’ai pas cherché à suivre cette tendance pour savoir comment m’y situer. J’ai lu L’Ascension du Haut Mal, assez tardivement, qui m’a impressionné. Livret de Phamille, de Menu, également.
Est-ce que vous souhaitez pousser l’introspection, fouiller dans des zones douloureuses, ou est-ce que vous vous vous inscririez plutôt dans ce qui a pu être désigné comme « l’autobiographie light » ?
Vous voulez sans doute parler des propos de Fabrice Neaud… Il a le droit de se considérer comme précurseur et je comprends ce qu’il veut dire. Il sera de toute façon difficile de rivaliser avec Neaud ! Mais j’ai moi aussi, à mon niveau, mon lot de scènes dérangeantes, dévoilant des zones d’ombres ou des comportements spéciaux. Il y a notamment une scène explicite de jeu sexuel entre frère et sœur, mais il ne s’agit pas du sujet premier du livre. Mon travail va plutôt consister à faire vivre et ressentir des choses à priori anodines, mais avec le regard d’un garçon spectateur de sa propre histoire, dépassé par les événements. Tout cela avec beaucoup de mise en scène. Alors oui, « autobio light », comme il y a le Coca Light… Fabrice Neaud c’est le vrai Coca Cola, mais le Coca Light se vend bien aussi !
Le temps enfui suscite-t-il chez vous une nostalgie ?
Il y a un peu de ça, mais même si je regarde mon passé avec tendresse, je n’aurais pas forcément envie d’y retourner. Je me sens bien dans mon âge et dans mon époque.
Vous vous appuyez sur des journaux intimes, des choses que vous avez pu écrire autrefois… ?
Non, je fais uniquement appel à mes souvenirs. J’ai tout écrit avant de commencer à dessiner, sous la forme d’un scénario classique, découpé et dialogué. Il y a eu plusieurs versions, tenant compte des avis et conseils de quelques personnes, notamment de Wandrille, mon éditeur. Benoît Preteseille aussi m’a bien aidé à y voir clair, dans la mise au point de la dernière version… Il m’a encouragé à laisser tomber les éléments un peu fictionnels que j’avais tendance à introduire pour rendre mon récit plus intéressant – ce qui au final produisait le contraire –, et à affirmer plus nettement le parti pris autobiographique. Comme je débarque dans la BD, le regard de personnes plus aguerries est précieux.
Vous avez réussi à surmonter la difficulté que vous ressentiez autrefois, de mettre des images les unes à côté des autres ?
Je n’ai plus de problème avec ça. L’ordinateur m’a aidé sur ce plan. C’est tellement facile de recommencer autrement, de monter ses dessins comme on l’entend…
Quel outil utilisez-vous ?
Je me sers du logiciel Manga Studio. Je fais mon découpage graphique directement sur tablette, et ensuite j’utilise des calques pour finaliser mon dessin, ajouter les noirs, le texte... Je fais une planche par jour. Depuis que je travaille sur ce livre, j’ai l’impression de commencer vraiment à dessiner, et de progresser rapidement. Il y a une visionneuse qui me permet de naviguer dans toutes les planches déjà réalisées (près de 80 à ce jour).
Il ne subsiste rien de ces hachures qui étaient si présentes dans L’Aberration familiale…
Non, je les ai supprimées. Elles étaient présentes au début, mais Lewis Trondheim, à qui j’ai également soumis le projet, m’a fait remarquer qu’elles alourdissaient le côté dynamique de mon dessin. Ça marche mieux avec des zones de noir. Je suis beaucoup plus satisfait de mes images comme ça. J’ai sans doute réussi à me débarrasser d’un certain complexe du remplissage…
En regardant les planches sur l’écran de votre poste de travail, je me dis que vous devez aussi être influencé par les mangas…
Oui oui, bien sûr. J’en parle d’ailleurs dans le livre. Comme la plupart des enfants de ma génération, je dévorais les séries japonaises à la télé… Je lis encore beaucoup de mangas, je me sens proche de cette manière cinématographique de présenter un récit.
Est-ce qu’on peut dire de Regarde les filles que ce sera un récit initiatique ?
Oui, je crois qu’il y a de ça. J’aime bien l’idée que mon personnage était prédestiné à faire toutes ces rencontres. Et toutes ces femmes de son entourage le manipulent d’une façon ou d’une autre, le trimbalent à droite à gauche... Elles façonnent son destin. Ça donne à l’histoire des allures de conte… Non seulement mon personnage est en position de faiblesse par rapport à ces femmes, mais il reste muet tout au long du livre. Il n’y a qu’elles qui parlent.
Le livre ne sera pas terminé en juillet, au moment où votre résidence prendra fin. Quand pourrons-nous le lire ?
Je terminerai les planches en septembre et le livre sortira au début de l’année 2016. Je travaille tous les jours pour terminer le plus rapidement possible car une autre histoire est en train de germer. Ce sera une autre BD mais je dois trouver un peu de temps aussi pour un travail de character design pour un film d’animation en projet. La BD prend de plus en plus de place dans mon travail, mais je n’en ai pas fini avec l’animation.
(Propos recueillis à la Maison des Auteurs le 29 avril 2015.)
[2] Paru chez Delcourt en 2011.