Collectionneurs
[Avril 2024]
La bédéphilie naît de la nostalgie de l’enfance et de ses lectures perdues. Dans les années 1960, les premiers cercles d’études sur la bande dessinée regroupent majoritairement des lecteurs – et plus rarement des lectrices – désireux de retrouver les « illustrés » de leur jeunesse. Un commerce nouveau apparaît alors, celui des journaux de bande dessinée ancienne, principalement alimenté par des librairies spécialisées.
Cette première génération de collectionneurs recherche surtout les hebdomadaires des années 1930 (Le Journal de Mickey, Robinson…), caractérisés par la présence de bandes dessinées – notamment américaines – avec un texte uniquement dans des bulles (et non plus sous des images).
Journal de Mickey n° 296, paru en juin 1940 au moment de l'occupation
Pièce rare et recherchée dont un exemplaire se trouve dans les collections de la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image
À partir des années 1970 apparaît une génération nouvelle, qui s’intéresse prioritairement aux albums : aventures de Tintin, mais aussi les histoires extraites des journaux Spirou et Tintin, publiés respectivement par les éditions Dupuis et par les éditions du Lombard. Le but suprême est d’acquérir l’édition originale : les collectionneurs, devenus bibliophiles, scrutent les variantes, parfois infimes, qui permettent de dater chaque édition. Dès 1979, le catalogue BDM - Trésors de la bande dessinée (qui paraît encore aujourd’hui ; BDM sont les initiales de ses créateurs) essaye de recenser tous les albums collectionnés, et leur attribue une cote, source de discussions passionnées.
"Les collectionneurs de bandes dessinées" dans Métal Hurlant n° 79, p. 30 Florence Cestac, 1982
Le marché se développant, et la demande excédant l’offre, les prix des albums les plus convoités s’envolent. Ce phénomène attire des investisseurs, qui n’ont parfois aucun goût particulier pour la bande dessinée. La mise à l’écart des collectionneurs peu fortunés est très nette dans le commerce des planches originales (né dans les années 1980). Certaines planches ou dessins peuvent atteindre en salle des ventes des prix comparables à ceux du marché de l’art (en 2021, un projet de couverture d’Hergé pour Le Lotus Bleu a été vendu 2,6 millions d’euros).
Jean-Paul Gabilliet photographié devant sa collection, ©Ludovic Lamarque pour le site Fahrenheit, 2024
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