CHRIS WARE : La lisibilité à bout de souffle
Mémoire
par
Ronan - Chabrat
Sous la direction de Pâques, Frédéric - Serra, Carolina
Master Bande-dessinée / Édition2018-2019- ESA Saint-Luc
Bruxelles- Belgique
Les bandes dessinées de Chris Ware évoluent à contre-courant, en faveur d’expériences de lecture inhabituelles, exigeantes. Son œuvre, à cheval entre tradition et expérimentation, met en crise l’idée même de lisibilité, de ses limites, et ouvrent le champ des possibles narratifs. Quelles sont ces possibles ? Comment cette difficulté de lecture s’incarne-t-elle en bande dessinée ? A quelles fins ? Qu’est-ce que cela nous dit sur la lisibilité classique ?
mots-clés : Lisibilité ; Illisibilité ; Lecture ; Effort ; Confort ; Difficulté ; Ware, Chris ; Hanselmann, Simon ; McGuire, Richard ; Crumb, Robert
Au contraire d’une certaine conception de la lisibilité en bande dessinée, l’auteur américain Chris Ware évolue à contre-courant, en faveur d’expériences de lecture inhabituelles, exigeantes, et d’un travail d’auteur qui l’est tout autant. Son œuvre, à cheval entre tradition et expérimentation, met en crise l’idée même de lisibilité, de ses limites, et ouvrent le champ des possibles narratifs. Quelles sont ces possibles ? Comment cette difficulté de lecture s’incarne-t-elle en bande dessinée ? A quelles fins ? Qu’est-ce que cela nous dit sur la lisibilité classique ? La bande dessinée est-elle capable d’expérience de lecture profonde et complexe ? Les réponses à ces questions passent tout d’abord par une mise en tension du concept de lisibilité; concept polysémique s’il en est, attaché à la notion d’effort, de réussite et d’accessibilité. Il demeure possible de se prononcer sur la lisibilité d’un ouvrage en terme de degré, allant de l’illisibilité complète à la lisibilité exemplaire, synonime - la plupart du temps - de succès commercial et populaire. A partir d’exemples représentatifs d’un côté et de l’autre du spectre, il est possible de dégager des critères de lisibilité, sans pour autant passer sous silence la part subjective de son procès. L’oeuvre de Chris Ware est particulièrement adaptée pour questionner la lisibilité car la difficulté de lecture est réelle, de l’aveu des spécialistes et de l’auteur lui-même. Son oeuvre pousse si bien la lisibilité dans ses retranchements qu’elle agit comme un révélateur du médium lui même, de ses stratégies et enjeux spécifiques. La difficulté de lecture ne s’envisage ici pas comme un obstacle ou une maladresse, mais comme un argument esthétique adapté aux propos de son auteur et une conception ouverte du médium. Dès lors, la lisibilité «faible» est à considérer comme un possible horizon pour les auteurs en quête de justesse, sans égard pour la polysémie inopportune du terme «faible», et sans pour autant dénigrer la lisibilité «forte». Il ne s’agit pas ici de favoriser une lisibilité par rapport à une autre, mais d’en explorer les mécanismes et les motivations respectives. Par l’entremise de la lisibilité, c’est finalement l’acte de lecture en lui même qui est questionné, ainsi que le rapport intime entre l’auteur et son lecteur.