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Bédéphilie au Japon

Guillaume Müller

En 1967, la revue COM, autoproclamé « magazine spécialisé pour l’élite du manga » lancée par Osamu Tezuka pour capitaliser sur l’émergence d’un lectorat adulte de bandes dessinées, ouvre des rubriques consacrées à la critique et à la publication amateur. Malgré l’enthousiasme d’un public de niche, le mensuel périclite en 1971 quand son éditeur fait faillite.

COM n° 11, 1971

À partir de 1975, le vide laissé par COM conduit des auteurs de fanzines à organiser un événement annuel qui prendra la relève : le Comiket (komikku māketto, marché des bandes dessinées) réunit d’abord quelques centaines de participants, mais devient rapidement un lieu emblématique où les passionnés se rencontrent et partagent leurs créations, sous l’œil de plus en plus attentif des éditeurs institutionnels. C’est par exemple là que naîtra le genre yaoi, qui commence comme une parodie érotique des bandes dessinées grand public.

Dōjinshi (bandes dessinées amateures) reprenant l'univers du manga La Rose de Versailles de Riyoko Ikeda

L’essor des fanzines mène à l’émergence d’une sous-culture dite otaku qui, au fil des années 1980, perd de sa dimension subversive à mesure qu’elle se diffuse. Ce qui est dorénavant qualifié de « culture otaku » renvoie à des habitudes de consommation (la collection, qu’elle concerne les bandes dessinées ou les produits dérivés du media mix) et à des lieux de socialisation (le quartier d’Akihabara) qui participent d’une identité bédéphile renouvelée.

Akihabara, quartier commerçant de Tokyo connu pour ses boutiques spécialisées dans les produits de culture populaire, CC BY-SA 4.0 Hyppolyte de Saint-Rambert, 2019

Le terme s’impose ensuite dans les langues occidentales au cours des années 1990 pour désigner les fans de culture populaire japonaise (manga, anime, jeux vidéo, j-pop) à travers le monde. Cette communauté désormais globalisée travaille à la diffusion des œuvres japonaises en réalisant des traductions amateures, la plupart du temps au mépris des législations sur la propriété intellectuelle. Au Japon, c’est aujourd’hui sur les plateformes numériques que la production amateure semble le plus dynamique, dans un dialogue constant entre bandes dessinées et littérature (les raito noberu, light novels).

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