Edmond-François Calvo (1892-1957)
Bien que méconnu du grand public, Edmond-François Calvo est l’un des plus grands noms de la bande dessinée, auteur d’au moins un chef d’œuvre qui résume une époque : La Bête est morte !
Il débute en tant qu’illustrateur et caricaturiste dans la presse : au Canard Enchaîné, à L’Esprit de Paris, à Floréal (1919-20). Il exerce parallèlement plusieurs métiers très différents : directeur d’une fabrique de sabots, patron d’un hôtel-restaurant à Pont-Saint-Pierre (Normandie). Il continue à se passionner pour le dessin et réalise des publicités pour la Selle Idéale, ainsi que des sculptures. À 46 ans, il vend l’auberge et entre en 1938 au groupe de presse Offenstadt, devenu la Société Parisienne d’Édition (l’éditeur historique des Pieds Nickelés).
Durant la Seconde Guerre mondiale, les illustrés américains pour la jeunesse cessent et de nombreux auteurs sont réquisitionnés pour le front. Trop âgé pour être mobilisé, Calvo travaille alors sur différentes séries, dont Tom Mix, chevalier du Far-West ou le Chevalier Chantecler. Son imagination foisonnante lui permettra de collaborer tout au long de sa carrière à de nombreux magazines pour la jeunesse, comme Fillette, l’Épatant, Junior, Zorro, Cœurs Vaillants, Coq Hardi.
Sous l’occupation allemande, en collaboration avec les scénaristes Victor Dancette et Jacques Zimmermann, Calvo témoigne à sa manière du conflit dans son ouvrage La Bête est morte ! C’est un récit de la guerre traité sur le mode animalier où chaque animal représente un peuple (les Allemands sont des loups, les Anglais des bouledogues, etc.). Cette œuvre réalisée en couleur directe, qui sera publiée dès le mois d’août 1944, est considérée à juste titre comme un des chefs-d’œuvre de l’histoire de la bande dessinée, où Calvo laisse libre cours à son génie de dessinateur animalier. Elle est, bien avant Maus de l’américain Art Spiegelman, la première bande dessinée dans laquelle la destruction des Juifs d’Europe est évoquée, et un exemple rare de de bande dessinée de témoignage, au ton engagé et à la volonté pédagogique affirmée.
Si tous ses personnages humains semblent caricaturaux, ses animaux paraissent pris d’un dynamisme et d’une joie de vivre qui lui ont valu le surnom de Walt Disney français (et un procès de ce dernier pour plagiat). Ainsi ses personnages Moustache et Trottinette (respectivement chat et souris), Cricri la souris d’appartement, Coquin le petit cocker, Patamousse le lapin comme certains objets dont Rosalie l’automobile, prennent des attitudes et des sentiments humains créant un univers tendre et rempli d’humour.
Calvo retient de ses sculptures, comme avant lui Daumier, la maîtrise parfaite de l’espace. Grâce à un dessin puissant qui valorise les jeux de lumières, il se joue des volumes, donnant vie aux décors, à la case et à la planche dans une dynamique et un foisonnement de détails rappelant les peintures de Bruegel. De cette manière, il a su se libérer des codes en vigueur dans les bandes dessinées de l’époque, ne se limitant pas à un découpage régulier en cases rectangulaires mais habitant véritablement l’espace de la page.
Par son humour et son talent prodigieux d’illustrateur, Calvo influence des artistes comme Uderzo (qui le cite encore aujourd’hui, avec Walt Disney, comme l’influence majeure de sa jeunesse), Cestac, ou Pirus. Il a su développer son style à travers un univers qui lui correspondait ; celui d’un bon vivant, d’un rabelaisien se détachant des codes de son époque et créant des bandes dessinées drôles, tendres et intemporelles.
Cette œuvre majeure a été, dans les années 1970, l’objet d’une redécouverte grâce à une campagne de réédition assez complète. C’est alors que Calvo a été remis à sa vraie place, l’une des premières.
Un dossier lui a été consacré sur Neuviemeart2.0
Les albums de ce fonds ont été numérisés grâce à une aide de la BnF au titre des Pôles Associés.