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retour du Japon (1) : le Kyoto International Manga Museum

Pour moi, le changement d’année aura coïncidé avec un changement de continent et d’horaire : je viens, en effet, de rentrer du Japon, où j’ai participé au colloque international « Comics Worlds and the World of Comics : Scholarship on a global scale » organisé, au Manga Museum de Kyoto, par l’université Seika. J’évoquerai ultérieurement le sujet de nos trois journées de débats, mais je ne crois pas inutile de commencer par dire un mot du musée lui-même. Celui-ci est en fonction depuis trois ans. Il a été inauguré en novembre 2006 dans les bâtiments d’une ancienne école primaire : le bureau de l’ancien principal et quelques autres aménagements anciens ont d’ailleurs été pieusement conservés comme reliques, car les habitants du quartier étaient très attachés à cette école. Les enfants viennent encore jouer sur la pelouse artificielle qui a été installée à l’emplacement de l’ancienne cour de récréation.

À l’entrée du musée se trouvent un café et une boutique, où l’on trouve plus de produits dérivés que de livres. Mais bientôt le visiteur est accueilli par une gigantesque réplique en bois peint de Hi No Tori, l’oiseau-phénix créé par Osamu Tezuka.

l’extérieur du Manga Museum
le Phénix de Tezuka

Toutefois, ce qui frappe avant tout est le fait que tous les murs sont garnis de rayonnages. Quelque cinquante mille mangas sont à la disposition du public, en libre consultation. En vérité, le Manga Museum ne correspond pas exactement à la définition occidentale d’un musée. Il conserve peu d’objets à proprement parler muséographiques – tels que des œuvres originales – et ses collections sont principalement constituées de documents imprimés (dont de vastes collections de magazines remontant jusqu’aux années cinquante), de sorte que nous serions plus enclins à voir en lui une bibliothèque spécialisée.

La collection a été principalement constituée de fonds récupérés dans d’anciennes librairies de prêt – une spécificité japonaise qui a aujourd’hui à peu près, sinon complètement disparu. J’ai été surpris d’apprendre que les éditeurs ne l’alimentent pas par l’envoi des nouveautés qu’ils publient.
Cependant l’établissement présente des expositions temporaires ; la grande salle d’exposition est renouvelée tous les deux mois (elle est, en ce moment, consacrée à l’histoire de deux magazines de shônen manga), une autre, plus petite, trois fois par an. Les dessins et objets exposés sont pour la plupart réunis pour l’occasion, empruntés auprès des artistes ou de collectionneurs. Une salle constellée d’écrans est en outre consacrée à l’application des nouvelles technologies numériques à la création et à la diffusion des bandes dessinées.

Le musée a aussi un programme d’activités culturelles : il organise des conférences, des ateliers, des séminaires. Enfin, il présente des démonstrations en public : des étudiants qui terminent leurs études à la faculté des mangas de l’université Seika (sur laquelle on lira bientôt ici même un autre développement) viennent dessiner en public, tandis qu’un conteur fameux dans tout le pays présente régulièrement des démonstrations de kamishibai, le « théâtre de papier », considéré comme l’une des sources historiques du manga. J’ai pu assister à l’une de ces séances. Il s’agissait d’une histoire de superhéros, d’une naïveté que n’aurait pas reniée Fletcher Hanks, mais contée avec un art consommé du second degré et une auto-ironie constante. Le public réagissait exactement comme les enfants de chez nous face à un spectacle de Guignol.

Au final, même si, selon nos critères, il ne mérite pas tout à fait ce nom, ce musée est un lieu plutôt inspirant, remarquablement tenu (il faut souligner que les textes y sont traduits en anglais, un effort inappréciable pour le visiteur étranger) et très fréquenté. On y bute à chaque pas contre un lecteur absorbé dans la lecture d’un volume et devenu absent au monde.